n°4 — Terminé

Discours et mémoire. Dire la guerre civile d’Espagne et la Retirada en Espagne et en France

François Perea, Juan Carlos Sanchez Illan
Discours et mémoire. Dire la guerre civile d’Espagne et la...

Discours et mémoire. Dire la guerre civile d’Espagne et la Retirada en Espagne et en France

Alors que le monde se trouve dans l’antichambre de la Seconde guerre mondiale, l’Espagne sombre dans une guerre civile fratricide qui va, entre 1936 et 1939, causer près d’un demi-million de morts au combat, sous les bombardements, attachés aux poteaux d’exécution nationalistes ou républicains. Les faits sont de plus en plus connus notamment documentés par le travail des historiens. Ce discours apparaît de façon concomitante à la construction d’une mémoire collective : en Espagne au gré des demandes des familles et des découvertes des fosses communes et en France, après que des centaines de milliers d’Espagnols ont traversé les Pyrénées pour se retrouver dans des camps d’internement. Cette mémoire collective se construit depuis des souvenirs lointains, où peuvent se mêler la honte de la défaite, de la victoire fratricide, le déchirement d’un pays, des familles.

Au début du XXème siècle, Maurice Halbwachs a posé la distinction (qui sera discutée dans sa coupure franche) entre mémoire (inscrite dans l’expérience, l’affect) et histoire (critique et conceptuelle). Sur cette base, l’auteur pose la nature et le fonctionnement d’une mémoire collective, influençant la mémoire des individus en constituant un cadre d’entendement et d’acceptation et effectrice de cohésion sociale. La mémoire collective se présente ainsi comme une reconfiguration, produite par la communauté sociale reconstruisant, à partir d’un matériau hétérogène et épars, le souvenir du passé dont l’impératif de cohérence dépasse l’exigence de fidélité.

Marie-Anne Paveau précise que cette mémoire est ainsi forcément située, c’est-à-dire dépendante de la position des acteurs :

Ce que l’on appelle « la » mémoire, collective ou individuelle, est constitué d’une constellation de mémoires situées qui tissent de manière complexe les fils des existences et des discours au présent. Concernant les guerres et les traumas, la situation de la mémoire est cruciale, ces événements attaquant profondément les systèmes de représentation et de symbolisation des sujets (2021, p. 33).

Cette « constellation » apparait et circule dans des centres mémoriaux, dans des tribunaux, aux comptoirs des bistros ou encore dans des groupes de réseaux sociaux, et participe de discours dont l’essence même réside dans la mise en signes/scène des événements qui ont bouleversé l’ordre social à un moment et dans un espace d’émergence déterminants :

Partout la mémoire, qu’elle soit orale ou graphique, implicitement ou même explicitement évoque en écho l’événement – ce choc qui, dans un passé plus ou moins lointain, posa les conditions à partir desquelles l’univers local devait se réorganiser […] L’événement « résulte d’une production, voire d’une mise en scène : il n’existe pas en dehors de sa construction » (Bensa et Fassin 2002 : 7 et 8).

Quand bien même les évènements peuvent être indicibles ou tus, la mémoire est faite de discours. Ces derniers peuvent être officiels, familiaux, reconstructeurs, mensongers… Quels qu’ils soient, ils font circuler des mots, des formules qui actualisent ce que Jean-Jacques Courtine nomme une mémoire discursive :

Toute formulation possède dans son « domaine associé » d’autres formulations, qu’elle répète, réfute, transforme, dénie…, c’est-à-dire à l’égard desquelles elle produit des effets de mémoire spécifiques » (1981, p. 52).

Par exemple il suffit de prononcer les termes « Retirada » ou « Guernica » pour que s’activent, se réactualisent et se travaillent des fragments mémoriels.

Dès lors, comment cette constellation de mémoires fonctionne ? Quels sont les liens qui permettent d’explorer leur opposition, leur réconciliation ? Quel est le fonctionnement principiel de tels discours ? La question du travail individuel ou collectif a d’ailleurs son importance ici car il résulte d’activités humaines bien précises que ce numéro de revue propose de réunir.

Ces questionnements sont donc au cœur de ce numéro qui fait le choix d’une ouverture disciplinaire. Toutes les propositions seront étudiées dès lors qu’elles articulent discours et mémoire sur la thématique présentée ci-dessus. L’objectif est, plus que de présenter un état de la mémoire de la guerre civile d’Espagne et de ses conséquences de part et d’autre des Pyrénées, d’explorer les démarches qui conduisent à sa construction.

François PEREA, Lucie ALIDIERE (Université Paul Valéry Montpellier 3)

Juan Carlos SANCHEZ ILLAN (Universidad Carlos 3, Madrid)

 

Indication aux auteurs

Proposition d’un résumé de 3000 à 5000 signes + 5 mots-clés.

Le comité de lecture sélectionnera parmi les résumés les propositions retenues.

La revue étant en ligne, les illustrations et liens ne sont pas limités mais devront toutes être accompagnés d’une autorisation de publication et en règle du point de vue des droits d’auteur.

Le nombre de signes attendu pour le rendu final devra se situer entre 30 000 et 60 000 signes (bibliographie et annexes éventuelles incluses).

Les résumés et textes pourront être soumis en français, en castillan ou en catalan.

 

Bibliographie

Bensa Alban et Fassin Eric, 2002, “Les sciences sociales face à l’événement », Terrain, n°38, pp. 5-20.

Courtine Jean-Jacques, 1981, « Quelques problèmes théoriques et méthodologiques en analyse du discours. À propos du discours communiste adressé aux chrétiens », Langages n°62, « Analyse du discours politique », Paris, Larousse, p. 9-128.

Halbwachs Maurice, 1925, Les cadres sociaux de la mémoire, Paris, Alcan.

Halbwachs Maurice, 1950, La mémoire collective, Paris, PUF.

Paveau Marie-Anne, 2021, « Mémoires situées. Discours d’oubli et d’amémoire dans une perspective pluriversaliste », dans Giaufret Anne et Quercioli Mincer Laura, MemWar memorie e oblii delle guerre e dei trauma del XX secolo, éd. Genova University Press.


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Coordinateurs du numéro

Perea François

Professeur des universités
ITIC Sciences du Langage
LHUMAIN
Université Paul-Valéry Montpellier, Montpellier

Sanchez Illan Juan Carlos

Professeur des universités
COMUNICACIÓN
Universidad Carlos III de Madrid, Madrid

Calendrier du numéro

  • Soumission des résumés : 25/03/2024
  • Retour aux auteurs : 14/07/2024
  • Envoi des articles complets : 14/07/2024
  • Retour des évaluateurs : 14/07/2024
  • Envoi des articles finaux : 15/07/2024
  • Publication envisagée : 23/06/2024