Appuyé de nombreuses références théoriques et d’éléments issus des études menées par l’auteure sur ses terrains de recherche, l’ouvrage de Marie-Sylvie Poli s’inscrit dans le champ de l’analyse du discours en contexte muséal. Tout au long de l’ouvrage, l’auteure s’attache à caractériser les textes des expositions sans jamais enclaver son objet de recherche mais en l’appréhendant plutôt à travers son inscription spatio-temporelle, ses caractéristiques discursives et sémiolinguistiques. Son approche holistique tient compte des matérialités plurielles du texte écrit qui répondent d’une situation de production discursive caractérisée par des pratiques professionnelles normées et une certaine variabilité situationnelle liée aux expositions elles-mêmes, à leurs orientations muséographiques, scénographiques et de médiation. Ces éléments sont mis en regard des aspects liés à la réception des textes par les visiteurs dont l’auteure nous fait bénéficier à travers ses résultats d’enquêtes. In fine, ces expressions plurielles font du texte au musée un objet complexe que Marie-Sylvie Poli étudie sous l’angle de la transversalité disciplinaire.
L’ouvrage débute par deux préfaces qui mettent en perspective son objet de recherche à la lumière de deux regards croisés, l’un partagé par Vincent Lucci professeur en linguistique, l’autre par Françoise Wasserman conservatrice du patrimoine. Soulevant un certain nombre de problématiques liées à leurs champs de pratiques, les auteurs des préfaces présentent respectivement le texte d’exposition sous l’angle de la mise en discours et de son inscription dans les missions du musée.
L’avant-propos et l’introduction situent l’approche de l’auteure au carrefour de la muséologie, des sciences du langage et des sciences de l’information et de la communication. Marie-Sylvie Poli identifie les formes écrites au musée en tant qu’elles constituent une formation discursive à part entière et précise qu’elles s’inscrivent dans le genre discursif de la médiation culturelle. L’auteure pose les soubassements de son raisonnement : l’écrit est le produit d’une activité de « transcodage » des discours portés par l’exposition qui se déploie à travers l’espace en tenant compte des aspects liés à l’expographie et à la scénographie. L’exposition est ainsi présentée comme un objet plurisémiotique qui relève du dialogisme interdiscursif et interlocutif.
L’ouvrage, structuré autour de trois chapitres, introduit dans un premier temps les caractéristiques du champ muséal. Le musée est présenté comme une organisation systémique animée par un ensemble d’acteurs – visiteurs compris – évoluant dans un lieu à l’identité duale. L’exposition est identifiée par un ensemble d’actions que l’auteure qualifie d’activités muséographiques. Son genre, du pédagogique à l’exposition-média, est explicité dans une approche diachronique qui questionne son rôle de transmission au prisme de ses effets conatifs. Ces derniers sont définis à travers les principales composantes d'une textualité élargie : de l’interdiscours aux registres sensoriels, les matérialités plurielles du dispositif expographique sont présentées comme caractéristiques d’un objet plurisémiotique à la croisée de l’analyse du discours et des interactions. L’exposition est ainsi caractérisée comme une situation d’énonciation au sein de laquelle les énoncés font l’objet de choix discursifs spécifiques par l’énonciateur, tant du point de vue de leur ancrage spatial et temporel que de la prise en compte systématique des adressataires.
Dans une deuxième partie, Marie-Sylvie Poli s’attache à décrire la variété et la nature des écrits que le visiteur rencontre au sein d’un espace expographique. De la signalétique à la transmission d’informations, les textes d’expositions sont analysés au prisme de leurs fonctions : les informations liées à l’inventaire singularisent les expôts, les stratégies d’écriture orientent la production de sens et le « réseau textuel » agit comme un outil dialectique qui communique les thèses du concepteur. À un niveau plus fin, Marie-Sylvie Poli amène le lecteur à appréhender les écrits d’exposition comme des objets dotés de signes linguistiques et plastiques. Articulant choix sémantiques et attributs visuels (couleurs, fonte, taille), les écrits sont qualifiés par l’auteure d’éléments « scriptovisuels », terme qu’elle emprunte à Daniel Jacobi (1990 : 90) pour signifier ses matérialités plurielles, plastiques et sémiodiscursives.
La dernière partie de l’ouvrage s’emploie à définir l’écosystème de réception des textes d’exposition par les visiteurs. Par une analyse diachronique de ce concept, Marie-Sylvie Poli présente un champ d’étude qui se caractérise par sa pluridisciplinarité et intéresse les concepteurs d’exposition pour les aspects liés à la remédiation des écrits qu’elle aborde sur le terrain à travers des protocoles spécifiques. Si les visiteurs identifient le message porté par l’exposition, ils discernent également les marques de subjectivité distribuées dans la matière linguistique par les concepteurs et accordent leur confiance aux contenus. Ces résultats amènent l’auteure à définir le discours expographique comme « l’ensemble des [ou contenu des] messages qui accompagnent les expôts et l’acte de leur exposition lui-même » et le texte expographique comme l’« ensemble des matériaux scriptovisuels conçus par les concepteurs pour communiquer de la connaissance aux visiteurs et perçus comme tels par ces derniers ». Marie-Sylvie Poli précise que la lecture des textes expographiques est le produit d’une opération stratégique réalisée par les visiteurs qui discriminent l’information selon leur distribution spatiale, leurs caractéristiques plastiques et sémiodiscursives. Ainsi, introductions, transitions et conclusions figurent parmi les textes les plus consultés, au côté de ceux apposés près des expôts, en particulier lorsque ceux-ci ont recours à l’affect : le texte incarne alors un système de guidage spatial, sémantique et narratif alimenté par un phénomène de reformulation des informations lues. Les études de remédiation menées par l’auteure montrent que la visibilité et la clarté des propos au regard, respectivement, des aspects liés à la scénographie et aux choix discursifs constituent deux points d’attention majeurs pour le concepteur.
De manière générale tout au long de l’ouvrage, les propos sont illustrés par des figures issues des différents terrains de recherche de l’auteure. La bibliographie figurant à la fin du traité reflète l’ancrage disciplinaire transversal annoncé en introduction. Esquissant en guise d’ouverture des perspectives de recherches sur l’articulation entre registres expographique et scénographique, Marie-Sylvie Poli invite dans sa conclusion à documenter l’approche interdiscursive des expositions et à appréhender le discours expographique sous l’angle des représentations sociales. La question de l’adhérence des expositions de point de vue au concept de médiation culturelle et à l’idéologie de la démocratisation culturelle apparaît in fine en filigrane.