Introduction
Notre voix nous rattache à une langue, une culture et une histoire, elle intéresse philosophes, ethnomusiciens, anthropologues, littéraires, psychanalistes et linguistes. Elle nous relie à une collectivité puisque dans les interactions « elle se donne, se perd, s’étouffe, s’altère, s’élève, s’évanouit, se tait (…) se fait oublier dans les paroles prononcées, mais elle agit à travers notre parole par son timbre, son intensité, ses modulations » (De Gaudemard, 2013 eds. : 8).
Pour comprendre comment et par quelles caractérisations a évolué l’objet voix, un regard épistémologique parait nécessaire : c’est à cette lecture de longue durée - de la voix et des espaces de savoirs scientifiques qui traverse l’objet (Auroux, 1992 ; Billière & Sauvage, 2019) - que je m’intéresse dans le cadre de ce numéro. On pense à la lente transposition du traitement de la matière sonore (allant des recherches en phonologie expérimentale et suprasegmentale à la prononciation correction), aux zones de turbulence qui qui peuvent animer le développement scientifique d’un objet.
Une telle démarche passe par l’examen des strates de la pensée scientifique et des contextes auxquels l’évolution intellectuelle et les idéologies restent suspendues. C’est pourquoi, penser l’historicisation de la voix est une manière de participer à l’histoire institutionnelle de la discipline à laquelle appartient l’objet. Dans les plis de cette réflexion, je propose de dessiner la manière dont les connaissances prennent forme et sens, comment elles se modélisent et s’enracinent dans une (ou des) discipline (s) en construction. Enfin, c’est là également une façon de comprendre comment la voix se configure sémantiquement, dans ses liens avec des univers et des époques et comment ce tout se catégorise.
Quelques repères historiques préalables sont indispensables pour mettre cet objet en perspective aux plans institutionnel, scientifique et social pour voir comment il s’actualise dans une discipline, la phonétique et plus particulièrement la prosodie. Cette démarche permet d’identifier les traces vers de nouveaux paradigmes, pour voir comment un ensemble complexe d’éléments est formaté dans l’espace scientifique, créant des transversalités disciplinaires aujourd’hui encore perceptibles.
1. Mise en perspective historique : de la représentation graphique à l’expérience auditive de la voix
Depuis plus de cinq siècles, la voix fait intrinsèquement partie de l’oralité, mais que le phonème s’incarne dans la voix ne relève pas d’une évidence. C’est pourquoi, pour délimiter les contours d’un objet il faut le ramener à son contexte temporel. Dans l’univers des faits, c’est la question qui construit l’objet historique : pour l’historien de l’enseignement A. Prost (1996), l’histoire vaut « ce que vaut sa question » et méthodologiquement, comment peut-on penser le temps ? Nos manières de le penser dépendent « des procédés par lesquels nous le divisons, nous le mesurons, l’exprimons au moyen de signes objectifs » écrit Durkheim (1991/1912 : 14). Mais la conscience est aussi une collaboration entre soi-même et les autres, une intériorisation d’instruments de coopération par le langage dans la conception de la genèse sociale (Vygotzki, 1985). Il y a donc des rapports qu’on peut analyser pour eux-mêmes, mais préférons ouvrir un espace articulé de descriptions possibles appartenant à une époque (ou un contexte) donnée ; dès lors, poser l’objet pour l’historiciser est un choix délibéré de recherche épistémologique, car précise déjà Foucault (1969/2007), nos relations avec l’Institution et l’univers social ou éducatif ne sont pas forcément présentes dans l’objet ; s’y inscrivent « des formes de comportements, des systèmes de normes, des techniques et des types de classification, des modes de catégorisation (…) ce ne sont pas elles qui sont déployées dans l’analyse ; elles n’en dessinent pas la trame, la rationalité immanente, cette nervure idéale apparait totalement ou en partie lorsqu’on le pense (l’objet) dans la vérité de son concept » (p.65).
La voix, reflet de l’âme. Dans l’antiquité déjà, Platon et Aristote raisonnaient à haute voix, en affirmant que la pensée est le dialogue de l’âme ; pensée rationnelle et émission vocale (à savoir la parole) ne font qu’un selon la thèse platonicienne, la pensée s’inscrit dans un courant vocal (Chiesa 1992). À cette époque, l’émission vocale de la voix renvoie aux cris (onomatopées, interjections), d’abord associée à la possession divine, l’expression et l’identité phonique (du dieu) sont alors périphériques au sens propre au langage articulé. Pour les stoïciens « le souffle de la voix et le souffle de l’âme » sont une même chose, explique Chiesa (ibid., 26). Pour Platon, la figuration de la voix se distingue de la pensée ; la lente conceptualisation du logos prophoikos veut dire que la voix est « significative des affections internes de l’âme » (ibid. : 28). La raison est alors un discours intérieur[1]. On n’ignore pas la force symbolique - lente dans le temps - de ce qui donne à la voix une forme de pouvoir. On peut rappeler qu’au second siècle de notre ère, apparait un modèle de notation pour le grec qui marque déjà les modulations de la voix (Besse, 2013). Au Moyen-âge, la vocalité comme donnée sonore et produite par le corps (intonations, rythme, diction, prononciation) commence à être identifiée par la pratique des savants et des écrivains : mais la poésie est orale, chantée et jouée avant d’être pensée par l’écrit, pour les poètes prêter leur voix au texte ne parait pas être naturel. Devenue peu à peu récitante (par le support du texte), on se demande si la voix poétique est encore de la poésie ? L’écrit imprimé en renouvellerait le sens, la technologie s’y invite et génère des tensions, car on considère que l’écriture alphabétique en représente mal les contours. Cela dit, la prononciation est « figurée » au 17e siècle écrit Besse (ibid.) et pour aller vite, la voix pas encore formalisée est vue comme une sorte d’abstraction assez floue.
De la représentation graphique à l’expérience auditive. L’expression grammaticale est en conflit avec l’expressivité (le rapport d’interlocution), pendant longtemps on élimine tout ce qui n’est pas indispensable au sens (Siouffi et Steuckardt, 2021 : 27). Les grammairiens dès le 16e siècle reconnaissent l’existence de la prosodie, cherchant des correspondances entre écrit et oral, mais sa description est laissée aux rhétoriciens. La phonétique, considérée sous l’angle de la linguistique présente alors des limites. La première phonologie du français (dénomination encore inconnue) en 1530 existe pourtant pour la sœur de Henri XIII qui apprend le français grâce à des traités de prononciation pour des étrangers. La fin du rêve de la rhétorique au cours du 17è siècle ouvre la voie à l’étude de la bonne prononciation : des spécialistes comme Passy introduisent des règles orthoépiques dans l’édition Les Sons (1895) pour les enseignants de français langue étrangère, identifiant déjà des « combinaisons diverses dans les prononciations d’un espace géographique à un autre[2]. Il faut retenir ici l’approche moderne de Passy, descriptive et tournée vers la variation (voir Durand et Lyche, 1999).
L’accent, le ton et l’emphase ou encore la distinction entre éléments stables (l’accent tonique et la valeur de la syllabe) dans l’énoncé sont à l’étude au cours du 17e siècle. Il est temps pour les savants de représenter l’expérience auditive. On n’oubliera pas l’exploration d’une méthode graphique de la prosodie avec Rousselot (1901-1908) et Passy (1859-1940), figures des travaux scientifiques de la parole et des techniques de visualisation du signal sonore. Le phonographe plus tard créé par Brunot (1911) permet de caractériser la voix par sa matérialité sonore (les enregistrements) et linguistique (ou prosodie) et ce dès la naissance des premières machines parlantes (le paléophone, 1877) qui préfigurent le phonographe enregistreur de la voix. L’expérimentation auditive est désormais possible et va se poursuivre. Lorsque les premiers enregistrements de la parole accompagnent la réflexion de Ferdinand Brunot (1860-1938) sur la langue parlée, il déclare dans son discours d’inauguration des Archives de la parole, le 3 juin 1911[3] que « la science apporte au monde des réalités qu’il n’avait pas », sous-entendant que les usages sont désormais identifiables et analysables.
C’est ainsi que de nouveaux paradigmes se profilent, la concurrence entre la grammatologie et l’oralité (écartée de la recherche), le clivage entre rhétorique et étude des sons se réduisent (car les ressources se diversifient) : l’écrit (scriptible) est à distinguer des sons phonographiques, comme « production d’un sillon ondulé qui représente le mouvement vibratoire » [4] : les savants utilisaient longtemps la notation musicale pour représenter et décrire les éléments prosodiques de la parole. Dans le même temps, des règles universelles de la prosodie sont établies par N. Beauzée (1767) et pour les grammairiens, certes soucieux de la bonne prononciation de la Cour, la voix profère et tente de diffuser la norme de l’écrit, « l’élite des voix »[5]. La langue se situe « dans un espace restreint et idéalisé, hors de tout le jeu social » (Rey, Duval, Siouffi, 2011/2007 : 545). On peut noter qu’en parallèle Passy avait questionné la norme (la prononciation des locuteurs cultivés de la région parisienne. La prononciation « ordinaire et ralentie » (pour apprendre le français) s’exprime clairement sur le modèle des variations de prononciation. S’agissant de la prosodie proprement dite, Louis Meigret (1510-1558) est le premier à utiliser l’adaptation de la notation musicale à celle de la prosodie, elle est ensuite affinée par Rousselot (1897-1908) pour décrire l’évolution des différents paramètres acoustiques que sont la hauteur, l’intensité et la durée (Demonet, 2006 :181).
Sans approfondir ces prismes temporels tracés ici à grands traits et à l’échelle des premiers siècles, passant de la phase physiologique de la voix à celle de linguistique, on voit comment la pensée intellectuelle portant sur la voix s’est affinée. On n’ignore pas que cette évolution va de pair avec les moyens de la recherche (par la création d’outils pour visualiser la voix) et pointe comment à cette époque et dès 1875 s’opère la formalisation de la discipline phonétique : celle-ci s’accélère du 17è siècle à l’approche de la révolution industrielle du 19e siècle (réformes de la 3e République). Les travaux d’E. Gallazi (1995 ; 2006) pointent une période « complexe » lorsque des approches opposées s’affrontent, celle d’un côté de la phonétique expérimentale voie tracée par Rousselot et de l’autre celles des phonéticiens pédagogues préoccupés par l’enseignement de la prononciation du français :
« À l’intérieur de ce moment complexe, des approches apparemment opposées s’affrontent. Les développements successifs allaient révéler qu’elles étaient complémentaires ou tout simplement bloquées par l’état des moyens de la recherche. Les nombreux traités de phonétique française qui nous restent, témoignent de l’oreille fine des premiers qui ont atteint des résultats d’une justesse surprenante tandis que les seconds, tout aussi doués, mettaient leurs précieux et ingénieux appareils au service de l’éradication des « vices de prononciation » aussi bien chez les provinciaux que chez les étrangers » (Gallazi,1995 : version en ligne).
De nouvelles pratiques et de nouvelles formalisations. Cette lecture chronologique trace le façonnement de nouvelles pratiques (d’enregistrements, de leur lecture et leur analyse), et explique comment s’est opérée la transformation intellectuelle. Nous n’évoquerons pas ici l’évolution de la phonétique articulatoire qui a fait l’objet de nombreux travaux (l’école de Prague, description des systèmes phonologiques des langues avec Martinet, Tesnière, Gougenheim). On peut souligner ici et pour revenir à la question de la voix, que dans la foulée, l’organisation intonative de différentes phrases énonciatives, interrogatives et exclamatives sont identifiées, P. Passy (1887/1932) envisage les segmentations du langage parlé (ou groupes de souffle) en 1906, retrouvées chez A. Di Cristo en 2000. Les trois paramètres de l’accent (hauteur, durée, intensité) voient le jour, la séparation entre le niveau acoustique et perceptif, l’affinement du système accentuel du français (entre accent tonique et oratoire, désaccentuation et déplacement d’accent), l’organisation intonative, ces composantes de la voix sont peu à peu formalisées (Dodane et Schweitzer, 2021).
Les prémisses des théories contemporaines de la prosodie ainsi posées, son avenir se dessine (cf. Santiago, 2019 pour une synthèse), la voix est scientifiquement analysable et permet dans les années 1960 de formaliser avec P. Léon, Delattre, ou encore Companys, les trois paramètres de l’accent (une syllabe accentuée se distinguent par leur durée, leur intensité et leur acuité). P. Delattre (1966) prend d’ailleurs appui sur cette modélisation sur laquelle, l’intonation émotionnelle (joie/tristesse) se distingue de l’intonation logique. C’est cette densité de recherches qui préfigurent les travaux du milieu du 20e siècle : la voix est devenue l’instrument physiologique du langage humain. La sémantique de la voix est elle aussi de plus en plus complexe, elle fait l’objet de dissociations mieux identifiées du sens donné par les modulations de la voix (l’identité par le genre, voire de l’appartenance ethnique) (cf. Dodane et Schweitzer (ibid.).
Il va de soi que d’autres ordres de développements scientifiques sur la langue ouvrent dans le même temps la voie à de nouveaux paradigmes théoriques, dépassant l’expérience et les objets empiriques : les idées circulaires se multiplient et pèsent dans l’évolution intellectuelle (elles peuvent être d’ordre linguistique, anthropologique ou encore philologique ou philosophique). On pense à la langue comme moyen de penser (en philosophie), à la variété des langues (comparaison des langues, variations, idéologies) ou tout simplement dans l’éducation artistique, aux travaux en musicologie qui se déploient dans les conservatoires pour former des musiciens ou des intermédiateurs de la musique (enseignants, musiciens intervenants, artistes). Ces territoires scientifiques sont de plus en plus en contraste avec le passé, et ne cesseront de s’élargir comme nous allons le voir.
- Des territoires scientifiques en extension
Dans sa relation au temps et sous l’angle de l’Institution, la prosodie est-elle un vecteur de légitimation ? Les appareils et leur technique ne constituent pas une preuve d’évolution intellectuelle pour P. Rousselot, c’est d’ailleurs seulement vingt ans plus tard que sera créée une chaire au Collège de France pour cette science, nouvelle voire inconnue par la grande majorité des spécialistes de la langue française (Galazzi, ibid. : 114). Des chercheurs, ajoute l’auteur, ont fait en quelques sorte « la synthèse du passé tout en tirant partie des nouveautés technologiques et conceptuelles projetées vers le futur ». Le premier congrès philologique de Stockholm (1886) marque l’essor de la prosodie, toujours par ses initiateurs (l’abbé P. Rousselot, M. Bréal, T. Rosset et P. Passy), pour qui l’Alphabet phonétique international (API) est source de progrès, parce qu’il sert à l’intercompréhension d’une langue à une autre, ainsi qu’aux échanges internationaux commerciaux qui nécessitent des besoins d’apprentissage du français, en Europe surtout (Gallazi, 1995 ; Weber, 2022). Même si l’oralité est sans grande noblesse au début du 20e siècle en France, le dogmatisme résiste, la phonétique est accueillie avec froideur dans les sphères savantes, l’étude des usages, peine à être légitimée. La littérature ouvre ses portes à la figuration de cette parole du quotidien[6] soulignant la vitalité de la voix avec ses prononciations naturelles, ses irrégularités graphiques, les effets d’insistance ou les nombreux effets stylistiques tels que (c’est pas à moi ksaarriverait; skeutadittaleur ; vlà ltrain qu’entre en gare)illustré par Queneau[7] et vecteurs d’affectivité et d’expressivité (Weber, 2020).
L’authenticité du langage s’étend, entré dans la catégorisation sociolinguistique, les représentations intellectuelles d’élargissent et les normes parlées sont questionnées. Dans le sillage de l’ouverture vers de nouveaux objets d’étude bien réelle, on constate à postériori qu’elle est quelque peu freinée par les difficultés du passage entre l’ordre symbolique, l’abstraction, le continuum (sonore), entre le code linguistique et le signal. Ces objets font-ils front avec les représentations idéologiques d’une langue normée dominante car en 1970 encore, Benveniste (1970 : 13) déplore qu’on s’efforce « d’éliminer ou d’atténuer les traits individuels de l’énonciation phonique ». Dans le même temps R. Barthes (Le grain de la voix) insiste dans ses entretiens (1962) sur l’importance de la voix dans les relations interpersonnelles.
On peut dire que le déploiement de la parole n’a plus rien d’abstrait dans le monde réel ; depuis le Moyen-âge d’ailleurs, la voix du professeur dans les universités (éloquence monologale d’abord, dialogale plus tard), ses inflexions de voix (pour fixer la pensée de la connaissance transmise) ne sont autres que l’émotion (ou la passion) exprimées. Si Fonagy (1991) a montré que l’accent est indispensable à la communication d’idées, ces corrélations au plan scientifique n’apparaissent que dans la seconde moitié du 20e siècle (cf. Plantin, Doury, & Traverso, 2000). Des travaux sur les indices prosodiques qui influent sur la production de la voix (Haumont, 2006 ; Mustapha-Sabeur, 2016) montrent comment l’enseignant agit sur les apprentissages d’une langue étrangère (stratégies de mise en relief, variations de débit, de durée, d’intensité), la mélodie exerce une fonction discriminative en sélectionnant certaines unités sens) selon des visées pédagogiques bien ciblées. La voix pédagogique et son rôle avec le corps (gestes) sont aujourd’hui optimisés (Kim et al. 2003 ; Pillot-Loiseau 2014 entre autres) ; ces approches sont relativement récentes.
Pour montrer que les représentations de la parole participent de la transformation de la connaissance d’un objet, revenons à la phonétique, sa préfiguration contemporaine s’est accélérée avec la séparation nette entre le niveau acoustique et le niveau perceptif, la description du système accentuel du français (accent tonique et accent oratoire secondaire, désaccentuation et de déplacement d’accent), tandis que l’organisation intonative s’est elle aussi affinée (cf. Dodane et Schweitzer, 2021). Les nouvelles dénominations se sont multipliées et permettent de caractériser l’étendue d’un champ scientifique, j’y reviendrai : elles participent de cette évolution. Inversement, la légitimité d’une discipline scientifique donne de l’épaisseur aux connaissances et à l’avancée de la pensée.
Mais comme dans toute science, des zones de turbulence intellectuelle déstabilisent parfois la réflexion scientifique ; l’interdépendance entre la science de la voix et celle de la langue, le rapport à la langue qu’on tente d’objectiver et/ou de légitimer sont ponctués de tensions perceptibles par exemple.
3. Production du savoir, liberté intellectuelle et humaine : le rôle de trois fédérateurs scientifiques
Liberté intellectuelle et autonomie disciplinaire. La posture intellectuelle et en arrière-plan le caractère humain sont importants pour lever des défis aux plans scientifiques et académiques, ces volets sont souvent les oubliés de la recherche. Je propose d’illustrer mon propos à travers quelques personnalités scientifiques déjà évoqués et appartenant au champ de la phonétique.
Pour cela, il nous faut revenir à la période clé des travaux d’expérimentations alors nouveaux. Réalisé par P. Rousselot, P. Passy puis F. Brunot ce travail s’est en effet organisé à l’abri du « système ». Les trois phonéticiens aspiraient à l’autonomie et à la liberté, refusant de se soumettre à la doxa dominante de leur époque qui ne privilégiait pas les usages au plan académique. On se limitera ici à l’exemple de la phonétique expérimentale qui reste longtemps « confinée dans l’enceinte de l’institut catholique de Paris puis au Collège de France », il a fallu attendre l’initiative de Ferdinand Brunot à la veille de la guerre (1914) pour que soit créé un laboratoire dépendant de la Sorbonne à laquelle appartenait la discipline phonétique « mais on veillera qu’il soit établi dans une annexe loin de l’université de la rue Saint Jacques » souligne Bergounioux (1992 : 120).
F. Brunot a enregistré en son temps observant les divers usages comme les provinciaux des faubourgs (Ardennes en 1912), il interrogea également des hommes politiques et écrivains. Indirectement, et pour donner une légitimité académique à sa posture, il développe de nouvelles voies de traitement des données qui serviront à la science et à l’Education : (on pense aux enquêtes plus tard pour le Français élémentaire (1 475 mots), rebaptisé Le Français fondamental (avec P. Rivenc en 1950 pour l’Education) Cette forme d’autonomie - par la volonté de diversification des terrains et domaines d’application - a sans doute renforcé sa légitimité au plan académique. De tels canaux de liberté d’action ouvrent la voie à l’identification de nouveaux obstacles, avec des directions fédératrices d’idées au service de la science qui se développent, et donc la focale scientifique s’élargit. C’est de cette manière aussi que l’ordre intellectuel peut changer. La dynamique d’interdépendances des savoirs a pour conséquence de nouvelles modélisations (terrains de recherche et enregistrements variés, moyens d’analyse multipliés).
Les postures (de résistante aux dogmes) sont des vecteurs force fédératrices du savoir, spirales vers de nouveaux besoins, de nouveaux outils de recherche et/ou de nouvelles méthodologies. Ce tout est arrimé à la pensée et aux pratiques scientifiques.
Sciences, Institution et besoins sociaux. Ces hommes ont une puissante conscience de la réalité et de leur environnement ; l’oralité envahit la culture éducative, c’est pour eux une nécessité socio-éducative. Cette étroite imbrication entre la science (les recherches fondamentales) et les pratiques (et inversement) de ces figures de l’innovation présentent un dénominateur commun, ils portent un regard croisé fervent et passionné à la fois sur une discipline (la phonétique), sur son application (l’enseignement de la prononciation en langue vivante) et sur l’Institution (l’université et son rayonnement). Ils sont ce que l’on appelle des influenceurs académiques et intellectuels. La dimension interventionniste de la phonétique au service de l’apprentissage du français langue étrangère était pour eux une priorité. Ils sont tous trois visionnaires (Galazzi 1992) ; Passy « engagé corps et âme » dans l’usage de la transcription phonétique (Sauvage, 2020 : 46) développe la méthode directe, impulse une réforme de l’enseignement (ibid. 2020 : 47) pour mettre en avant « non la langue écrite mais la langue parlée » (cf. Durand et Lyche, 2021).
Sans vouloir emmêler les temporalités, ils ont très tôt été confrontés aux besoins d’apprentissage du français des non francophones dans les pays européens (Italie, Espagne, Pays-Bas surtout, le français étant considéré comme langue de culture) mais aussi aux insuffisances théoriques sur l’oral en classe de langue, proposant des outils pédagogiques novateurs et des instruments pratiques pour répondre aux besoins des apprenants du français. Dans le domaine de la formation des enseignants c’est F. Brunot, fondateur et directeur de l'École de Préparation des professeurs de français à l’étranger (EPPFE-1920) qui mène une guerre acharnée pour la création d’une formation des professeurs non francophones et forme des générations de professeurs de français dans le monde[8].
Sans entrer davantage dans le détail, ces convergences intellectuelles sont à situer dans un réseau d’acteurs, aux enjeux visibles (certains sans doute invisibles) et de stratégies qui articulent sciences et société. On regrette de ne pas pouvoir identifier l’ensemble des rapports de force contextuels qui se déclinent dans une doxa disciplinaire, (comme les approches divergentes aux plans théorique et pratique parfois non contenues dans les mots académiques) approches qui se déploient temporellement et parfois en décalage (par exemple la résolution des problèmes entre pédagogues et chercheurs), Nocaudie, Alazard-Guiu et Billières (2019) l’explicitent ainsi :
« Les premiers s’inscrivent dans une temporalité immédiate (celle des interactions didactiques), tandis que le monde de la recherche vit en différé. En conséquence de ces deux facteurs, les répercussions liées à la recherche dans le domaine de l’enseignement de la prononciation peuvent être inaudibles, diluées voire inadéquates à la réalité de terrain. En parallèle, la réalité de terrain même est hors de portée du chercheur qui n’en a que des informations parcellaires, et pour qui cette réalité de terrain reste parfois au niveau du concept théorique » (version en ligne).
Il y a clairement une volonté d’être à la fois scientifique, interventionniste et taxinomique. Ces acteurs par leur posture intellectuelle et humaine mais aussi par leur volonté d’avancer, ont levé des défis épistémologiques et méthodologiques durant des décennies (comme les écarts entre morcellements théoriques et besoins empiriques, remise en question de modèles théoriques).
La modélisation en didactique des langues née des besoins pédagogiques émerge par le prisme de la discipline phonétique, même si l’univers cloisonné des référents scientifiques (phonétique théorique/corrective) reste pendant un temps hermétique pour le praticien. P. Guberina (1939) et P. Rivenc apportent en leur temps des orientations décisives de phonétique corrective, qui ne cessent d’évoluer par la suite [9](Abou-Haidar et Llorca, 2016 ; Sauvage & Billières, 2019 ; Weber, 2019). Le mouvement scientifique va du terrain vers la théorie et non pas uniquement de la théorie vers son application ; c’est bien de ce rôle socio-éducatif dont ces précurseurs avaient conscience.
Enfin, la réflexion sur ces objets historiques eux-mêmes pris dans l’historicité, offre ici un pâle reflet de l’histoire des sciences humaines et sociales dans certaines de ses crises, affectant pratiques, connaissances et approches, donnant lieu à des transformations et/ou des recompositions, c’est aussi cela la complexité de la pensée intellectuelle : si elle est indissociable du réel et du monde social, elle les traverse, car il n’y a pas de pratique qui ne s’articule avec les conceptions, les concepts et le sens donné à une situation (éducative) ou à un projet. Je terminerai cette section par quelques mots sur les différentes strates qui ont pu faciliter le foisonnement de la production du savoir et dont on peut se réjouir.
4. Objet de recherche, évolutions académique, intellectuelle et sociale : quelles connexions ?
Les savoirs ne se construisent pas qu’en laboratoire, les besoins sociaux éducatifs jouent également un rôle dans cette partition. Je retiendrais l’exemple de l’enseignement/apprentissage de la prononciation qui en recueille quelques bénéfices intéressants, exemple sur lequel je voudrais m’arrêter.
D’un point de vue académique d’abord, rappelons que de plus en plus de nouvelles activités sont associées aux recherches du scientifique (la phonétique instrumentale en est un exemple dans le domaine des sciences humaines). Plus largement ce phénomène se normalise au milieu du 20è siècle (avec la multiplication des universités. De nouvelles catégories administratives et statutaires sont adjointes aux personnels universitaires (technicien, ingénieur) qui coopèrent avec le chercheur universitaire. C’est le cas de la phonétique instrumentale, avec les outils technologiques (de plus en plus gérés par des ingénieurs d’étude) et en lien étroit avec le travail des chercheurs. La filiation à une discipline scientifique s’élargit, les techniciens sont subordonnés à la recherche, ce lien est reconnu au plan administratif mais pas toujours institutionnellement (car les reconnaissances scientifique et académique sont interdépendantes).
Revenons au mode de construction d’une discipline dont quelques lignes ont été préalablement tracées : C’est une dynamique connectée à des paramètres parfois périphériques, souvent invisibles : on pense aux influences de pensée internes à un courant ou à une communauté de chercheurs (Sauvage, 2020), des pensées auxquelles une communauté scientifique adhère (ou non). La séparation entre phonétique et phonologie en est sans doute une illustration, elle reflète trente ans de tensions entre abstraction et empirisme (en provenance de la phonologie structuraliste américaine) (cf. Laks, 2001 pour un développement). Dans le même sens, le fossé au plan institutionnel entre phonétique et sociolinguistique (variation langagière) n’a pas été un long fleuve tranquille au cours du 20è siècle : il y avait les « parlers de France » (ou patois) resserrés dans un étau, traités comme des langues révolues, les langues admises à l’université (langues romanes, indo-européennes, ancien français, langue d’oc…) et les autres. La matrice est faite de mutations mais aussi de sursauts, facettes de l’évolution des manières de penser des chercheurs ; c’est aussi le creuset où s’élabore la légitimation d’un champ académique.
Le volet intellectuel nous intéresse plus particulièrement, car il met en évidence l’évolution des postures face à l’abstraction et à la conception que les acteurs ont d’une discipline.
Conceptualiser, définir, nommer, le terreau de la complexité. Toujours au plan intellectuel et pour illustrer toute la complexité déployée depuis les premiers plis de la voix évoqués en introduction (au caractère encore pré-sémiotique (la voix ce sont les cris) avant d’être sémantique, les idées circulaires se multiplient et pèsent dans l’évolution intellectuelle. À chaque époque, nous avons vu qu’un souffle nouveau est apporté à la pensée intellectuelle.
Nous pouvons nous réjouir de la multiplication des trajets scientifiques et des catégorisations qui en sont nées (internes, importées, ou d’équivalents traduits), des notions et/ou des concepts nouveaux qui dans le temps n’ont cessé de se dynamiser et de s’interconnecter. Ces nouvelles dénominations sont les effets comme nous le savons, du besoin par les chercheurs de dénommer, conceptualiser ou définir, d’apporter ou de fixer des significations mentales et/ou matérielles. Si une parenthèse est ici permise, on peut dire que les glissements et extensions sémantiques nous paraissent désormais naturels (facilement traductibles mais difficiles à répertorier). Pour R. Kosseleck (2016 : 141) « Une histoire des concepts doit toujours tenir compte des derniers résultats de la recherche à tous les niveaux, intellectuels et matériels et surtout il lui faut opérer alternativement par une approche sémantique et onomasiologique ». Cette dernière parenthèse met en valeur les strates complexes des significations, qui, d’une époque à une autre, présentent des réalités différentes ; à partir du 20è siècle les processus de fusion des langues, les partages scientifiques internationaux et transdisciplinaires accentuent la matrice du changement dont nous tirons les bénéfices actuellement encore.
Chassé-croisés transdisciplinaires. Pour prendre un exemple de lien entre phonétique et didactique (1980), L. Porcher (1986)[10] a saisi l’importance d’une telle relation d’interdisciplinarité, mais très vite des points de rupture se sont formés dans la formation des professeurs, lorsque le passage par la phonétique appliquée est un peu noyé par les approches communicatives (Billières, 2016). D’autres variables à valeur cognitive, comme les aspects non-verbaux et/ou paraverbaux sont devenus une sorte de fourre-tout du langage assez périphérique. Le rythme et la prosodie (cf. Langages 2016, n°202) qui contribuent à la grammaire du discours parlé, sont entrés de manière générique dans la réflexion didactique. La variabilité des prononciations (Candéa et Trimaille, 2015) et l’interdépendance entre des réseaux de sens invisibles comme celle de la voix avec la syntaxe du français actuellement explorée, pourraient être renforcés dans la réflexion pour la transposition didactique[11].
Par un saut rapide vers les recherches en phonétique, les influences translinguistiques, tonales, accentuelles d’une langue à une autre (Avanzi et Berdal-Steien, 2016), la question des variations (phonologique et articulatoire) en L2 voire L3 ou L4, l’interface écrit/ prononciation, leur place dans les manuels aujourd’hui, ou encore les questions identitaires ou communautaires reliées à la voix (les accents dits étrangers), des langues en contact, etc., reflètent le tournant qu’a pris ce champ[12]. Le rôle de la prosodie dans l'intelligibilité du discours en L2, les accents et les styles de parole (cf. Revue française de linguistique appliquée 2017/2 : 17), la fonction inférentielle de la prosodie émotionnelle dans l’apprentissage d’une langue à triple interface « corporalité, esthétique, expressivité » (Baider 2019) encouragent la création de ponts entre recherches scientifiques et pratiques didactiques (Santiago (2019). Dodane & Schweitzer (2021) mettent en évidence ces croisements disciplinaires, ces espaces de recherches et de spécialités que des chercheurs ont créés (prosodie, phonétique, acoustique, prononciation, histoire de la langue, articulation, phoniatrie, musicologie, rhétorique, gestualité) montrent qu’il est désormais possible d’appréhender une variété d’approches d’étude (et méthodologiques) de l’oralité. Les travaux en linguistique de l’oral avec l’équipe de Blanche-Benveniste (1997), l’apport des corpus oraux, l’assistance par les logiciels de traitement de la parole, affinent, élargissent et enrichissent ces connexions. Les interdépendances réflexives et conceptuelles s’étendent aux domaines de la linguistique pragmatique, interactionnelle, variationnelle et sociophonétique qui pointent depuis plus de vingt ans que la langue n’est plus à voir comme un répertoire d’actions mécaniquement mobilisées : l’importance de la voix dans la gestion co-énonciative (Morel et Danon-Boileau, 1998 ; Lefeuvre & Moline, 2011 pour une synthèse) sont quelques exemples de cette transdisciplinarité foisonnante, les publications internationales et nationales en témoignent.
Des hybridités nouvelles. L’extension des objets scientifiques (impossible à décliner ici) donne toujours lieu à une prolifération de théories, d’outils d’analyse, d’approches scientifiques et pédagogiques. Les modèles (à entendre comme compréhension du monde et des moyens d’agir sur lui) se multiplient et la didactique de l’oralité trouve entre autres écho dans ce panorama. Sans reprendre ici tout le trajet menant de la phonétique, appliquée à la didactique remédiative actuelle (on renvoie pour cela au numéro Didactique du français (Sauvage, 2020 éds.) pour un état des lieux), des influences importantes reposent sur le socle de la méthode verbo-tonale. Les supports sonores (audio-oraux, audio-visuels) numériques contribuent à l’accélération de l’élaboration d’outils pédagogiques efficients en didactique des langues. À travers ce travail pluridisciplinaire, des hybridités nouvelles n’ont cessé de se dessiner et de s’entrecroiser (techniques de correction, visualisation de la voix (rythme, intonation par voie numérique) par exemple.
Certes, des modélisations sont à parfaire, des protocoles d’efficacité à valider. Dans le champ du bi-plurilinguisme et de la prosodie (confrontation à des langues prosodiquement différentes), des modes de corrections phonétiques sont en cours de développement (cf. Küpers et Souchon, 2002). De la même manière, les gestes, les mouvements du corps adossés à la prosodie sont actuellement convoités dans les recherches (interactions multimodales). À ce titre, l’ethnographie de la communication et l’anthropologie apporteront vraisemblablement des pistes scientifiques complémentaires, par exemple des études de « contextualisations prosodiques » identifiant langue par langue les zones de difficultés d’interprétation en lien avec la voix et susceptibles d’entrer dans les dispositifs de remédiation. Tous ces enjeux, allant du prisme de l’innovation aux processus d’optimisation supposent sans doute que soient trouvés de nouveaux équilibres scientifiques ? C’est là une hypothèse à vérifier mais non déductible de l’historicisation car nous ne pouvons évaluer à ce jour les événements intellectuels (scientifiques) qui auront une influence dans le futur.
Éléments de conclusion
Le chemin a été long depuis le temps où la voix se limitait à une occurrence irréductible du système phonatoire, objectivée dans le corps, reliée ensuite au sens, puis portée par quelques siècles d’expérimentation. L’objet se déploie alors dans ses dimensions institutionnelle, scientifique, technologique et interventionniste, cimentées par des réalités interconnectées (sociales et humaines). Le choix de son historicisation (vers la prosodie tout particulièrement) me parait intéressante pour montrer comment se jettent les bases de nouveaux schémas d’organisation scientifiques et disciplinaires dans le temps.
Si certaines réalités (expériences, récits ou événements) de l’histoire doivent nous échapper parce qu’elles se dérobent au langage, nous avons pu entrevoir que le rapport aux objets – lorsque ces derniers sont nouveaux - est souvent fragile et occasionne des mises en tension (décalages structurels entre l’ordre intellectuel et sociétal). Il n’est pas interdit de conclure que de telles tensions sont des purs produits du temps et appartiennent à l’évolution de la pensée intellectuelle, et qu’à chaque période (ou avancée), les réseaux de savoirs s’imbriquent entre eux de manière renouvelée.
Ces rapports complexes – avec le passé dans le présent – ouvrent également la réflexion vers la problématique de l’évolution sémantique des concepts (qu’il serait intéressant d’explorer) car dans le sillage de la notion de voix et jusqu’aux concepts propres à une discipline donnée (la prosodie ici), on saisit plus finement comment se façonne un vocable, grâce aux dialogues et aux approches connectées qui s’établissent entre les constituants qui l’accompagnent et comment toutes ces complémentarités scientifiques s’organisent pour appréhender et construire les formes renouvelées de la complexité. L’historien R. Koselleck (2016)[13] explique que toute histoire pendant qu’elle se fait, est quelque chose d’autre que ce que peut exprimer son articulation dans le langage. Il dénonce aussi au passage l’absence de méthodologie pour appréhender certains facteurs qui aident à fonder les événements (cf. p.312).
J’ai voulu montrer que le début du 20è siècle est une période clé des relations de convergences scientifiques avec de nouvelles catégories qui se forment au rythme des nouveaux positionnements à conquérir avec des hybridités naissantes (sciences d’expérimentation et méthodologiques). Les zones de tensions évoquées précédemment continueront (qui sait ?) de traverser la recherche de demain quand de nouveaux objets reliant savoir et non-savoir (au sens où l’entend Popper 1979) seront à objectiver. Finalement, nous venons de voir à une petite échelle que dans la construction épistémologique, le chercheur s’empare de ces relations et transformations intellectuelles, et on comprend que ce sont là les instruments des dialogues croisés vers de nouvelles lignes de transition scientifiques ; ce sont ces mécanismes - voire ces systèmes - que je qualifie « d’indicateurs de la complexité de la pensée scientifique », au sens où l’entend Morin (1994). Ces trajets intellectuels sont à poursuivre.
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[1] Chiesa (ibid) analyse les textes de Platon, Plotin et Plutarque pour esquisser la construction de la pensée conceptuelle autour du couple pensée / parole.
[2] La variation est très présente dans les réflexions de Passy ( thèse soutenue en 1890 : Etude sur les changements phonétiques et leurs caractères généraux)
[3] Discours d’inauguration, Brunot (cf. Gallica, BnF), disponible sur https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1279113.media
[4] Le Littré, disponible sur https://www.littre.org/definition/phonographie
[5] Pour Vaugelas (1647) le « bon usage » c’est « l’élite des voix » par opposition au « mauvais usage ».
[6] L’ouvrage de Meizoz (2001) L’âge du roman parlant nous éclaire sur l’entrée de la « parole vivante » dans la littérature,il retrace l’histoire des idées et l’exploration de l’inconscient littéraire de 1919 à 1939.
[7] Queneau R. (1959) Zazie dans le métro Paris, Gallimard.
[8] Il crée le premier diplôme de formation des professeurs de FLE (Diplôme d’aptitude à l’enseignement du français pour les étrangers, 1921) : cent ans de générations de professeurs étrangers de français et d’universitaires en ont fait l’expérience depuis (cf. Projet Diltec EA2288 - Collex, Sorbonne Nouvelle). Cette recherche s’appuie sur les fonds d’archives inédites appartenant à l’académie de Paris et contribuent au renouvellement de l’histoire de la didactique du FLE et de l’histoire de l’enseignement du français aux étrangers ou de l’éducation (en cours de traitement - Diltec EA2288-Cliodil -2020-2023).
[9] Dès 1939, P. Guberina révolutionne l’apprentissage des langues vivantes avec la Méthode audiovisuelle structuro-globale (SGAV) (Crédif, ENS Saint-Cloud).
[10] L. Porcher (avec R. Galisson) est aussi fondateur de la discipline didactique du FLE-Sorbonne nouvelle.
[11] Rester cantonné dans les manuels de langue aux fonctions distinctives et démarcatives de l’intonation est restrictif : d’autres indicateurs fonctionnels (lorsqu’ils trahissent des distorsions entre les mots et le sens ou des ambigüités cachées partiellement exprimées) orientent les choix d’interprétation de l’apprenant non francophone (cf. Weber 2013 : chap. 6).
[12] Billières (2016, 122-127) retrace l’évolution effervescente de la phonétique corrective.
[13] Nous renvoyons au chapitre IV (3è partie, pp. 311-356) intitulé : La sémantique des concepts de mouvement dans la modernité.