N°4 / Discours et mémoire. Dire la guerre civile d’Espagne et la Retirada en Espagne et en France

En quoi vos élèves vous ont élevé ?

Analyse de discours textométrique d’enseignants

Naraina De Melo Martins Kuyumjian, Jérémi Sauvage, Frédéric Miquel

Résumé

Dans cet article nous étudions les contributions écrites du projet de l’académie de Montpellier « Ces élèves (qui) nous élèvent (CE(Q)ne) ». L’exploration de ce corpus est faite à partir du logiciel libre de statistique textuelle IraMuTeQ[1] (Interface de R pour les Analyses Multidimensionnelles de Textes et de Questionnaires) et nous a permis de dégager les notions présentes dans les 78 contributions où les auteurs répondent à une demande précise. « En quoi vos élèves vous ont élevés ? ».

Six notions ont pu être dégagées de cette étude : « le temps », « la fiction », « la violence », « l’institution », « l’humanisme » et « le réseau ».

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1. Introduction

Les textes analysés ont été rédigés dans le cadre du projet de recherche « Ces élèves (qui) nous élèvent (CE(Q)ne) », projet dont le Rectorat de Montpellier est à l’initiative (Miquel, 2020), en partenariat avec l’Unité de Recherche L H U M A I N (Langage(s), Humanités, Média-tions, Apprentissages, Interactions, Numérique). Les 78 témoignages directs[1] rédigés par des enseignants, étudiants, directeurs et inspecteurs répondent à la question suivante : « Est-ce que vos élèves vous élèvent ou vous ont élevés ? ». En d'autres termes, comment ces élèves ont-ils participé à la progression et à l'évolution des enseignants sur leur parcours pédagogique ?

Cet exercice inverse l’optique traditionnelle de la relation scolaire. L’adulte qui gère, qui transmet et qui organise, s’accorde un espace/temps non plus pour penser le « sur quoi » et le « comment » de ce qu’il offre, mais ce qu’il en reçoit. Ces textes sont de différentes natures. Certains se focaliseront sur une expérience personnelle, d’autres professionnelle, avec une grande variété de styles, de genres discursifs, de longueur de texte et d’aspects à considérer. Notre objectif consiste à trouver les notions clés qui émergent à partir d’un traitement outillé du corpus (Sauvage & Nourrit, 2022).

Six notions clés ont émergé du corpus : le temps, le récit, la violence, l’institution, l’humanisme, les réseaux.

2. Méthodologie

Nous avons opté pour l'utilisation du logiciel gratuit IRaMuTeQ. Ce gratuiciel, par le biais de manipulations successives du texte, offre la possibilité d'obtenir une représentation visuelle des champs sémantiques présents dans l'ensemble des textes examinés. Cette visualisation pourrait nous aider à mieux appréhender la complexité discursive présente dans ce corpus de textes. Nous explorons ci-dessous les aspects techniques de cette méthode.

IRaMuTeQ s’appuie sur le logiciel de statistique R et sur le langage python. Il propose un ensemble de traitements et d’outils pour l’aide à la description et à l’analyse de corpus textuels (Loubère & Ratinaud, 2014) appelé textométrie. L’analyse des correspondances qui existent entre les mots d’un texte ou d’un ensemble de textes a été employée dans différents domaines de connaissance. L’étude de Bourdieu (1979) en est un exemple en sciences humaines et sociales et qui a aidé à sa diffusion (Beaudouin, 2016).

La spécificité de cette méthode d’analyse « à la française » est expliquée dans l’article « Explorer, mesurer, contextualiser. Quelques apports de la textométrie à l’analyse des discours » (Mayaffre et al., 2019) :

Dans le domaine de lanalyse de corpus outillée, la textométrie se caractérise par la place centrale du texte tout au long de lanalyse (Valette, 2016). Le principe même des traitements est la caractérisation systématique des unités (lexicales, textuelles) par leurs contextes au sein du corpus (lapport de dictionnaires ou de connaissances extérieures est secondaire et facultatif) ; et les résultats des calculs sont interprétés en observant les contextes demploi des mots au sein des textes (le retour au texte). Cette prévalence du texte différencie la textométrie de la linguistique de corpus anglo-saxonne (Corpus Linguistics), qui sattache plutôt à lanalyse dun marqueur linguistique décrit en usage : on sintéressera par exemple aux marqueurs exprimant le positionnement (stance, voir Englebretson, 2007) privilégiés par les femmes dans les forums, avec un intérêt particulier pour les collocations, ces associations privilégiées entre éléments du discours. La question du texte et de ses catégorisations reste ainsi secondaire alors même qu’elle est centrale pour la textométrie, ce qui entraîne des différences importantes dans le développement des méthodes et des outils. Par exemple, lanalyse des correspondances, centrale pour la textométrie, est absente des outils classiques de la linguistique de corpus, comme AntConc, WordSmith ou Sketch Engine, et les parcours méthodologiques qui règlent lexploration des données sont bien distincts. (Mayaffre et al., 2019, pp. 2-3)

IRaMuTeQ opère des réorganisations formelles de la séquence textuelle. Dans un premier temps les textes sont segmentés. Le texte est découpé en unités minimales, dénombrées, ce qui veut dire que les unités sont dans cette étape considérées comme des occurrences identiques, d’un même type pour ensuite et finalement être lemmatisées, c’est-à-dire être rassemblées en tenant compte des flexions d’une même unité de langue. Les verbes sont ramenés à l’infinitif, les noms au singulier, les adjectifs au masculin singulier.

Deux exemples de lemmatisation

Mangé, mangeons, mangera deviennent manger.

Professionnelles, professionnelle, professionnels deviennent professionnel.

Ce « sac de mots » est la matière première de deux types d’analyses proposées par ce logiciel et qui prend en compte la fréquence, la distribution de chaque lemme et de leurs co-occurrences.

Chaque unité est ensuite réintégrée dans le réseau lexical du texte, ce qui permet d'explorer sa valeur sémantique. Le logiciel arrive ainsi à différencier des mots homonymes et à placer chaque mot dans le « groupe » adapté. Par exemple, le mot « orange », par l’analyse des co-occurrences, est placé différemment quand il désigne un fruit ou une couleur. Cette première disjonction et simplification des discours en leurs unités fondamentales constitutives trouve son sens dans un processus. D'autres étapes suivront, invitant le lecteur à explorer les discours dans leur spatialité. Chaque discours est alors perçu comme une unité globale organisée où chaque élément (mot) ne peut être défini que dans la relation qu’il établit avec les autres mots, où chaque énoncé est considéré dans la relation qu’il établit avec un autre énoncé.

 

Figure 1 - Plan factoriel par correspondances. Affichage des lemmes

 

De même, les textes sont appréhendés en tant qu'unités globales et envisagés dans leurs relations. La compréhension d'une contribution dans sa totalité émerge de son rapport avec les autres textes du corpus et de la place qu'ils occupent les uns par rapport aux autres.

En partant des tableaux avec des lignes et des colonnes, les algorithmes créés avec les méthodes statistiques permettent de comparer les textes en calculant les distances et les proximités avec deux méthodes : analyse factorielle et analyse de classification hiérarchique. Ces méthodes de classification sont complémentaires. Lebart et Salem (1994) justifient leur emploi conjoint en affirmant, qu’en fonction de la taille du corpus, les plans factoriels deviennent illisibles. Avec le regroupement hiérarchique, l'analyse gagne en lisibilité et permet un enrichissement dimensionnel des représentations obtenues. Ces deux méthodes utilisent la même métrique de calcul des distances appelée chi-2 et l’ajout de la dimension hiérarchique est possible en élargissant le calcul des distances à tout l’espace graphique et non seulement dans le ou les premiers plans factoriels (Lebart & Salem,1994, p.111).

Figure 2 - Plan factoriel par correspondances. Distribution des contributions du corpus étudié.

Si les algorithmes qui orchestrent l’organisation des éléments du corpus sur le plan factoriel et puis sur le plan hiérarchique sont difficile à comprendre pour les non-matheux, la simplicité de la représentation graphique, elle, est accessible à tous, par une observation attentive et curieuse. La visualisation du corpus, qui constitue un outil courant pour l’analyse des corpus quantitatifs, se montre tout aussi éclairante pour la visualisation d’un corpus qualitatif. L'accent mis sur les méthodes de visualisation est une clé pour comprendre le succès de l’analyse des données « à la française ». Un nuage de données dans un espace multidimensionnel se voit projeté dans un « espace » à deux dimensions accessible et interprétable par le chercheur, même s’il ne connait pas les subtilités de la méthode. Et c’est à cet exercice que nous nous prêtons ici. Il ne s’agit ainsi pas d’un accélérateur, mais d’un outil qui dresse sur un plateau les éléments présents en modifiant le regard qui peut être posé sur le corpus et en ouvrant des possibilités d’interprétations innovantes. Les interprétations sont issues des éléments qui émergent du corpus. Il s’agit d’une méthode inductive. La projection ouvre à la construction du sens. Cette approche diffère des approches hypothético-déductives (largement répandues dans la littérature anglo-saxonne) beaucoup plus austères en termes de présentation des résultats (Beaudouin, 2016).

Pour résumer, les deux méthodes d’analyse de visualisation graphique des données qualitatives proposées par IRaMuTeQ sont l’analyse factorielle qui propose une représentation visuelle sur un tableau croisé (abscisse et ordonnée) où sont distribuées les données qualitatives et l’analyse de classification hiérarchique qui permet dobtenir à partir dun ensemble d’éléments décrits par des variables une hiérarchie de classes partiellement emboîtées les unes dans les autres.

 

Figure 3 - Dendogramme et classes du corpus CE(Q)NE

La classification hiérarchique du corpus donne lieu à un embranchement où chaque branche se subdivise en différentes classes. La relation établie entre chaque branche et ses classes peut être, de manière simple, décrite par une logique englobante : chaque branche englobe ses classes. La présence de plusieurs classes dans une même branche n’est pas aléatoire, mais motivée par les co-occurrences des mots. C’est pour comprendre le sens des liens que l’étude de chaque classe et de la hiérarchie qui existe entre elles est nécessaire et permet de révéler les notions qui leur soient intelligibles.

Le corpus direct a été classifié[2] en six classes qui sont organisées en deux embranchements principaux. C’est au niveau de ces deux embranchements que la différenciation la plus marquante peut être établie. D’un côté les classes [5, 1, 2] et de l’autre les classes [3, 4, 6]. A l’intérieur de chaque ensemble une deuxième différenciation peut être établie : entre les classes 1, 2 et la classe 5 ; entre les classes 3, 4 et la classe 6.  Les résultats de l’analyse factorielle par correspondance fourniront des informations complémentaires.

Pour le traitement du corpus des contributions directes du dispositif académique « Ces élèves (qui) nous élèvent » trois clés d’analyse ont été activées. Nous avons recoupé les clés d’analyse du logiciel IRaMuTeQ avec les groupes de mots tels qu’établis par Monneret et Poli (2020). Le plan factoriel ci-dessous présente ainsi les fréquences et la distribution des adjectifs, des noms communs et des verbes[3] employés dans le corpus. Les couleurs représentent les différentes classes du dendrogramme issu de la classification hiérarchique. Comme le rappelle Beaudouin, le plan factoriel est un des principaux supports pour la construction de l’interprétation par le chercheur.

3. Le corpus CE(Q)NE 2021

Les analyses présentées dans cet article sont le résultat de la prise en compte des différents niveaux explorés par le logiciel. Le nuage et les graphes de mots, le plan factoriel et le dendrogramme permettent de revisiter les contributions individuelles à partir d’un chemin de découverte guidé par les outputs du logiciel. Un mouvement cyclique permet par la suite de revisiter les résultats du logiciel et de mieux les comprendre.

Globalement il est important de garder en tête que :

- Dans les plans les distances sont significatives. Il est possible d’affirmer que la classe 5 (bleu foncé) et la classe 6 (rose) possèdent des réseaux sémantiques nettement distincts.

- Les points occupant des positions périphériques seront les plus typés.

- Les contributions représentatives de chaque classe sont identifiées sur le plan factoriel.

La stratégie adoptée consiste à analyser les contributions représentatives de chaque classe de manière à en dégager la notion centrale. Onze contributions ont été étudiées et six notions ont pu être dégagées. Les titres des notions ne sont pas issus du logiciel qui n’apporte aucun élément nouveau en dehors de ceux présents dans le corpus. Ces notions sont le résultat d’un travail interprétatif des chercheurs. Chaque notion ne transcrit pas la globalité des aspects soulevés dans la contribution représentative, mais donne à voir un aspect qui est intelligible pour chaque contribution de sa classe correspondante.

Il est important de remarquer que les contributions ont été étudiées anonymement. Ce n’est que pour la rédaction de cet essai que le lien avec les auteurs a été fait.

 

Contributions représentatives de la Classe 1 (rouge)

ID66 :  « Donnant donnant » de Florence Kherchaoui

ID72 :  « C'est sûr, la vie sera belle! » de Claire Henquet

 

Contributions représentatives de la Classe 2 (grise)

ID80 :  « Hana No Michi, le chemin des fleurs » de Michaëla Alarcon

ID53 :  « Shukrullah, le porteur d'espoir » de Diane Jouve

 

Contributions représentatives de la Classe 3 (verte) :

ID46 :  « Elevants élèves ? » de Marc Wetzel

ID34 : « Les élèves qui nous questionnent » de Helena Neira

 

Contributions représentatives de la Classe 4 (bleue clair)

ID9 :  « Le bonheur d'enseigner et d'apprendre » de Catherine Lacroix

ID73 :  « Epiphanies didactiques » de Myriam Gajoux

 

Contributions représentatives  de la Classe 5 (bleue foncé)

ID5 :  « Celle qui reste debout. Envers et contre tout. » anonyme

ID27 :  « Sous pression » de Patrice Luchet

ID33 : « Des bonbons sur la porte » de Muriel Menuet

 

Contributions représentatives de la Classe 6 (rose)

ID86 : « Compétences transversales dans le Bachelor Universitaire de Technologie » de Chrysta Pelissier

4. Les notions

Dans le corpus, trois notions ont émergé de chacun des deux embranchements du dendrogramme. D’un côté nous avons « le temps », « le récit » et « la violence », de l’autre « l’institution », « l’humanisme » et « les réseaux ». Ces notions ont émergé à partir de mouvement d’analyse micro/macro et prétendent éclairer un aspect prédominant et partagé par toutes les contributions d’une classe. Nous explorerons plus en détail ces notions à partir de l’analyse des contributions représentatives. Il est important de souligner ce mouvement qui bascule en permanence entre les parties et le tout (corpus/lemme, texte/notion, branche/classe, discours/mots). C’est précisément ce mouvement qui garantit une pertinence aux interprétations, même si d’autres lectures sur ce même corpus restent toujours possibles.

4.1 Branche 1 : Le temps, le récit et la violence

TEMPS (rouge)

Anamnesis: L'éducation formelle comme fil conducteur des récits enseignants (1)

L'éducation formelle, fil conducteur tissé entre chaque contribution, trouve son ancrage dans le succès au concours d'entrée à l'Éducation Nationale et les premières années d'enseignement. C'est là, dans cet espace-temps, que les auteurs érigent un cadre préétabli de mémoires où les souvenirs qui nourriront leurs récits seront puisés. Définir ce cadre, par les mots de la consigne ou la situation de l’invitation à contribuer pour n’en citer que deux aspects, c’est inviter à emprunter ces chemins. La quête circonscrite révèle la singularité de chaque expérience tout en orchestrant une peinture à l’image de la complexité de son cadre. Il est donc nécessaire de considérer et assumer la manière dont les choix et situations informelles ou formelles qui sont à l’origine de ces contributions influencent les auteurs et donc la manière dont l’objet de leur réflexion seront révélés.

Temporalités de l'Enseignement: Des débuts de carrière aux nuances de confiance (2)

La présence des expressions "première année" et "titulaire" trace une ligne temporelle jalonnée par l'évolution de la carrière enseignante. Les débuts de carrière sont souvent entrelacés avec des sentiments de "manque de confiance en soi" ou de "manque de maîtrise". Le flottement dans la confiance en soi, la sensation de "ne pas être encore un vrai professeur", tend à se dissiper avec le temps et l'accumulation d'expérience. Ces premières années sont ainsi une période de vulnérabilité marquée.

Parcours du Combattant : entre trajets, larmes et quête de sens (3)

Les longues distances parcourues entre le lieu de travail et celui de la maison, surtout en début de carrière, provoquent des « pleurs » et la « fatigue ». Les déplacements sont traduits en temps, temps passé dans la voiture, loin du confort, du repos ou de la famille. Se révèle alors une contradiction de l’institution, à la fois victime des procédures administratives qui déshumanisent et profondément humaine parce que faite par des humains et pour les humains.

« C’est ma première année en tant que titulaire et je ne suis que fatigue. Je passe trois heures par jour dans ma voiture… » (Kherchaoui, 2021)

ciprocité Temporo-Spatiale : l'enseignant entre permanence et changement (4)

L’enseignant qui « se reconnaît dans ses élèves » évoque la réciprocité sur laquelle la relation pédagogique se fonde. Cette réciprocité entrelace temps et espace. « Les élèves passent et l’enseignant reste ». L’impression d’une stagnation est liée à la permanence dans un établissement pendant que les élèves évoluent et partent. Le « chagrin d’élève » renvoie à une pratique professionnelle qui ne se fait pas en dehors des relations entre les personnes, mais au contraire, qui s’appuie sur ces relations pour que chaque partie puisse y trouver ou construire un sens (Auger & Miquel, 2024 sous presse).

Rythmes et Résistances : les subtilités temporelles des relations pédagogiques (5)

La réciprocité dans la relation pédagogique peut être rythmée par des actions et des réactions qui ne se font pas dans la coopération mais au contraire dans la résistance et dans le conflit. Les bienfaits des stratégies pédagogiques surgissent dans une temporalité qui ne peut pas être contrôlée ou prévue. Ce n’est que pendant la deuxième année en tant qu’enseignante que la situation a basculé. « J’avais une ancienne rebelle comme alliée ! ».

Défis et Réconciliation : les élèves difficiles comme catalyseurs de transformation (6)

Face aux défis posés par les "élèves et classes difficiles", les enseignants se retrouvent à jongler avec des situations où les élèves se trouvent en "opposition directe". D’un côté, la lassitude de devoir constamment faire face au refus et aux réactions négatives des apprenants, d’un autre côté, le soulagement d’un dénouement inattendu.

« Elle me fait payer cher au cours suivant de l’avoir mise dans cette position. 2ème manche, quelques jours plus tard. Comme chaque année, je propose aux élèves des sorties au théâtre le soir, un abonnement au théâtre du Campagnol ». (Henquet, 2021)

Pour sortir de l’opposition, un troisième élément est invité sur scène. L’enseignante a recours à des intervenants externes et propose des sorties au cours de l’année. Les forces présentes se réorganisent. L’enseignant n’est pas au contrôle de la situation et partage avec ses élèves cette expérience qui impactera chacun à sa façon. Les différentes impressions et ressentis constituent une matière authentique, exploitable pédagogiquement par la suite et sans hiérarchisation des expériences individuelles. Enseignant et élèves se trouvent alors d’un même côté. Une réconciliation est alors possible.

« Le spectacle crée par L. B. met en scène un professeur de français qui donne un cours sur le verlan avec la complicité d’un jeune de la cité. » (Henquet, 2021)

L'importance du thème de la pièce de théâtre ne doit pas être sous-estimée et, bien qu'il ne soit pas approfondi ici, il mérite au moins d'être évoqué. Le parler des jeunes banlieusards est reconnu dans cet espace de promotion de la culture.  Les élèves se reconnaissent dans le personnage du jeune de la cité. Cette reconnaissance sera ensuite perturbée, créant une continuité entre les effets individuels de cette expérience partagée.

« Aurélie comme toutes les filles de la classe a un coup de foudre pour Samir/Fabrice qui leur annonce qu’ils vont bientôt pouvoir le voir dans un feuilleton télévisé. Waouh, le comédien qu’ils ont vu au collège passe à la télé ! Ce sera une grosse déception : il joue un moniteur d’équitation plutôt BCBG. «’C’était pas lui madame !’. En tout cas ils pressent la mesure de la différence acteur /personnage et même s’ils sont sidérés d’apprendre que Fabrice n’était pas un jeune beur, qu’il ne vivait pas dans une cité, pour eux c’était Samir ! » (Henquet, 2021)

 

LE RÉCIT (gris)

Filigranes du Passé : tissage et couture des fragments mémoriels (7)

Les auteurs ont sollicité leurs souvenirs et expériences passées pour répondre à l'appel à contributions, évoquant des moments vécus de manière discontinus dans le temps. Ces fragments sont tissés. Des ponts et des liens entre des événements apparemment déconnectés ou disparates sont alors établis dans l’histoire qui est racontée. Le récit parvient alors à coudre ces fragments qui s’appuient sur la mémoire sensorielle. C’est le cas par exemple de ce segment qui explique le rapport entre le malheureux accident souffert par un élève et le « déséquilibre » volontaire des deux pans de la ceinture de Kimono.

« Je souhaitais écrire un nouveau chapitre de l’histoire de cette ceinture celui du passage de mon 2e dan où mes enfants et ce petit guerrier de 5 ans m’avaient accompagné m avaient amené m’élever à me transcender. » (Alarcon, 2021)

Trans-sémiotique[4] des Émotions : la rationalisation par le récit (8)

L’émotion, l’attachement, l’envie de prêter un hommage, ou de ne pas oublier sont mobilisés par les auteurs des contributions quand on leur demande en quoi leurs élèves les ont élevés. Ces sentiments sont vraisemblablement plus facilement exploitables dans un registre littéraire. Le récit devient alors une sorte d’étape de rationalisation et intellectualisation nécessaire non pas pour en débattre ou argumenter, mais pour les partager. La présence d’un souvenir est alors manifestée à travers différents matériaux. Un objet peut alors représenter un événement marquant.

« La séparation a été pleine d’émotion, sa maman m’a confié qu’il m’appelait « sa deuxième maman ». (Alarcon, 2021)

« Aujourd’hui, quand il m’arrive de remettre le Kimono, il y a toujours quelqu’un pour me faire remarquer que j’ai oublié comment nouer ma ceinture, avec les 2 pans qui dépassent du nœud exactement de la même longueur. C’est volontaire. Egaliser les 2 morceaux de la ceinture serait un peu oublier pourquoi elle est désormais étrangement courte Le déséquilibre crée le questionnement chez les autres, un rappel pour moi. » (Alarcon,2021)

Métamorphose et réciprocité : le récit autobiographique et le moment de bascule. (9)

Le récit autobiographique d'un élève, exprimé à la première personne, exerce un impact significatif sur son enseignant et sur l'ensemble des élèves. Il s'agit d'une métamorphose rendue possible par la rencontre et le partage. Lorsque l'enseignante encourage cet élève habituellement silencieux en classe à raconter son histoire, tout change. Cet élève allophone, dont le parcours difficile est inimaginable pour les autres camarades de classe, devient un super-héros en brisant le silence et en partageant son vécu.

« Alors, quand je demande à S. de me raconter son histoire, il sourit. Il raconte, avec pudeur. Il raconte le sacrifice de toute une famille pour l’espoir qu’elle place en lui. » (Jouve, 2021)

« C’est l’histoire de Shukrullah. Il est plus grand que les autres ». (Jouve, 2021)

En donnant la parole à Shukrullah l’enseignant permet de rompre le silence. La réciprocité est partout. Dans le moment crée pour écouter cet enfant. Dans le don de sa propre histoire et dans l’acceptation de se replonger dedans pour la partager ignorant l’effet que cela produira. Dans le soin de l’enseignante de « retranscrire » l’histoire aux autres élèves de la classe. Et puis dans le regard transformé que chacun porte désormais envers cette personne qui n'est plus aussi étrange qu’auparavant.

« Alors, quand j’ai retranscrit son histoire à la classe, les élèves lui ont parlé. Ce n’était plus l’Autre, l’étranger de la classe, mais Shukrullah le super-héros. » (Jouve, 2021)

 

LA VIOLENCE (bleu)

Entre deux mondes : La pression entre le présent scolaire et la détresse individuelle (10)

La bouche ici, ne parle pas, mais se tait.

« Parfois il vaut mieux se taire

se taire

fermer sa bouche

oui la fermer

la boucler

certains

plus familiers

diraient

fermer sa grand gueule

fermer son grand wahwah

fermer sa grande gueule

la fermer

… »

(Luchet, 2021)

 

La violence de deux temporalités légitimes, bien que quelque peu inconciliables, se manifeste ici. D’un côté, il y a le présent du cours, encadré par les programmes et les élèves désireux d’apprendre. De l’autre celui de la détresse d’un élève, d’un appel au secours. « Amel pleure ».

Le professeur, interlocuteur privilégié parce que lien entre le monde de la maison, de la famille, de l’intimité et celui de la société, ne peut pas échapper à sa responsabilité de garant du rythme collectif et de l’intégrité de chacun. La pression, il la ressent physiquement, dans la tête (mot le plus récurrent dans cette contribution avec 28 occurrences). La tête du professeur est alors une traversée, une croisée entre le souci du collectif et l’impossibilité d’en laisser tomber un. « Il faut récupérer Amel ».

« […] souffle

car les autres veulent travailler

et oui car on a beau dire

les collégiens pour la plupart

veulent apprendre

aiment cela

mais c’est un autre débat qui traverse la tête du prof

pour l’instant il tente

de récupérer Amel […] »

(Luchet, 2021)

La liberté de tenir tête : la résistance comme moyen pour dire (11)

En s'opposant à son enseignant, un autre élève lance également un appel au secours, révélant les violences qu'il endure à la maison. Dans le témoignage anonyme intitulé "Celle qui reste debout. Envers et contre tout.", l'auteur.e écrit : "Elle me tient tête" avant de révéler : "Chez elle, elle se fait frapper."

L'enseignant comprend ainsi les raisons de l'inefficacité de ses stratégies visant à contrôler cet élève turbulent. L'auteur remet en question les tentatives autoritaires de l'enseignant pour imposer son autorité et met en perspective le refus de l'autorité. Le pouvoir de "tenir tête" apparaît comme une liberté précieuse pour un enfant privé de cette possibilité dans son cadre familial. La posture professionnelle de l'enseignant a subi une transformation significative.

« Depuis, quand un élève refuse, j’essaye doucement de comprendre ce qu’il se passe, ce qu’il tente indirectement de me dire. Sans violence. » (anonyme, 2021)

Entre récompenses et incompréhensions : la fragmentation des réalités (12)

Ce témoignage met en lumière la fracture qui peut se créer entre les différentes réalités vécues par un élève. La même vitalité qui lui vaut des récompenses en dehors de l'école est également la source d'une visite de sa mère au bureau de la directrice. Le problème : l’équipe pédagogique se trouve déconcertée face à l'inefficacité de ses stratégies pour canaliser l'énergie de cet enfant. L'incompréhension de la mère vis-à-vis de la position adoptée par l'école constitue une pièce du puzzle pour comprendre la situation. Le dernier énoncé invite à une réflexion plus approfondie, incitant à questionner de manière globale le rôle de l’école.

« Ainsi, la « morale scolaire » n’est pas nécessairement la meilleure pour les parents et le voisinage, le « bon fils » n’est pas toujours le « bon élève ». Il faut alors des arguments beaucoup plus sérieux que le respect du règlement intérieur pour que la vitalité des enfants se transforme en vitalité scolaire. » (Menuet, 2021)

 

4.2. Branche 2 : L’institution, l’humanisme et les réseaux

L’INSTITUTION (rose)

La hiérarchie : source de réconciliation pédagogique (13)

La parole de l’institution est portée par des témoignages qui parlent de « réflexion pédagogique collective », de « nouveaux contenus proposés par le ministère », de « socle de compétences », de « formations dispensées à l’IUT », d’« outils méthodologiques », d’« atelier », de « cadre règlementaire et européen de certification », de « démarche collective » et de « mise en compétences des contenus de cours ».

Dans cette institution faite d’acteurs, les enseignants et les élèves s’opposent. Cette opposition, souvent source de tension, devient ici la base pour un exercice pédagogique. Assumer qu'enseignant et élève n’occupent pas le même espace c’est concevoir la possibilité de se « mettre à la place de l’autre ». Bien que réinvestissant la hiérarchie institutionnelle, l’exercice d’écoute mutuelle peut faire émerger des questions de fond.

Réflexion sur la Transmission dans l'Enseignement : entre Besoins Émergents et Pratiques Caduques (14)

La question du rôle et de la place de la transmission dans l’enseignement est soulevée dans une époque de changement profond. D’un côté, des apprenants avec des besoins spécifiques de formation, en cohérence avec les exigences propres de leur temps et qui ne sont pas pris en compte. D’un autre côté, des enseignants « désemparés » qui font le constat que les pratiques autrefois suffisantes, sont aujourd’hui caduques. Le besoin d’innover et de créer est urgent.

 

L’HUMANISME

Élever au-delà des rôles : la puissance humaine derrière chaque élève (15)

Ce nest pas dans sa condition d’élève quun élève peut élever en retour son maître, mais dans sa condition humaine.

« Celles et ceux qui m'ont impressionné par leur talent, leur utile assurance, leur singulière virtuosité, leur tranchante intelligence, leur magnifique esprit, leur extra-lucide générosité, l'ont fait, bien sûr, comme jeunes humains, non du tout comme élèves ». (Wetzel, 2021)

En s’appuyant sur la délimitation restrictive (condition d’élève) l’auteur répond négativement à la question à l’origine de cet exercice. Contrairement aux autres contributions étudiées, l’auteur ne pointe pas de cas particulier, qu’ils soient des « cas difficiles » ou des « cas d’affinité personnelle » mais appelle à considérer les relations dans leur dimension humaine, où chacun peut impressionner et nourrir en retour.

Cette lecture nous invite à interroger le titre du dispositif. Si le « ces » dans « Ces élèves (qui) nous élèvent » peut être interprété comme opérant une opposition entre ceux qui élèvent et ceux qui n’élèvent pas, une deuxième interprétation est possible tout en continuant de s’appuyer sur les normes de la langue standard selon lesquelles, lorsque le démonstratif présente un substantif accompagné d'une relative, la valeur démonstrative est atténuée, voire absente (Grevisse & Goosse, 2008). Cette deuxième lecture, humaniste, ne consiste pas à opposer les personnes, mais à les considérer dans leur singularité, c'est celle que nous appelons de nos vœux.

Entre Éthique et Déontologie : les défis du rôle du professeur au sein de l'institution scolaire (16)

Le mot « élève » dans la question situe le public cible par rapport à la fonction exercée dans l’institution scolaire. Cette contextualisation, méthodologiquement nécessaire, pose la question de l’éthique des actions entreprises. Les considérations éthiques, le cadre déontologique, ainsi que la crainte de dépasser le rôle défini par cette même institution et les limites de sa responsabilité en tant que professeur sont des aspects à prendre en considération.

« Ils m'ont permis d'explorer toutes mes intuitions pédagogiques (je prévenais tout de même mon proviseur quand telle ou telle démarche pouvait passer pour audacieuse). » (Neira, 2021)

« La première, Laura, avait 14 ans et j'avais fait sa connaissance à l'occasion d'un voyage scolaire : nous devisions pendant les visites. Peu de temps après notre retour, elle a fait des tentatives de suicide, une dépression et son coming-out. Sa mère a pris contact avec moi, me demandant si je pouvais lui faire signe, dans son institution médicalisée. J’ai eu un double problème : lui rendre visite ou non (aller au-delà de mon rôle tout en faisant une démarche qui me semblait humainement nécessaire). » (Neira, 2021)

 

LES RÉSEAUX

Ecole et Famille : Les piliers du succès scolaire (17)

Le succès scolaire est lié à toutes ces dimensions visibles et invisibles de la vie de l’élève.

« Renouer le lien avec les familles pour construire une relation forte entre l’école et les parents me paraît capital pour l’avenir de notre société. » (Lacroix, 2021)

L’importance de reconnaître ce lien est résumée dans l’énoncé suivant : « Un enfant heureux à l’école ne l’est que s’il sent le consentement de ses parents. » La perspective présentée dans cet énoncé est intéressante par son originalité et par la capacité d’inclure les différentes dimensions qui sont en œuvre dans le processus d’apprentissage. L’école, les parents, le consentement et le bien-être de l’apprenant sont fondamentaux pour le succès scolaire des élèves.

Une pédagogie horizontale : Construire le savoir professionnel en réseau (18)

Cette contribution est une lettre de remerciement adressée à la maire de Saint-Quentin-la-Poterie qui n’est plus en fonction quand l’enseignante arrive sur place mais « je n’entends que parler de vous ». L’auteur parle de « rencontre » qui peut « prendre plusieurs chemins pour s’accomplir pleinement, prendre son temps pour s’amplifier ».

Il ne s’agit pas d’une rencontre physique, mais par le biais des résultats d’actions entreprises pendant la gestion de la maire et qui constitueront la base sur laquelle cette enseignante récemment nommée pourra installer et construire sa pratique professionnelle. La construction permanente de son savoir professionnel est le résultat de cette horizontalité dans laquelle baigne son approche pédagogique. Ainsi, comme pour l’idée de rencontre, l’auteure fait appel à une approche horizontale qui conçoit la multitude d’actions et acteurs qui participent à la construction permanente de son savoir professionnel. L’extrait ci-dessous est représentatif de cette élaboration en réseau.

L’auteure résume : « écouter les enfants pour être écouté ». Elle affirme « j’ai sûrement autant appris que mes élèves… ».

« Pendant plusieurs années, je vais me perfectionner dans ce niveau grâce à la pratique, aux réussites et aux échecs, aux formations que l’éducation nationale va me proposer, aux lectures, aux conférences que le département organise autour de l’école maternelle (je pense à la merveilleuse Catherine Dumas, inspectrice chargée de la mission maternelle), aux chercheurs qui publient leurs résultats, à certains de mes collègues qui mutualisent leur expérience, et je peux affirmer honnêtement que je deviens, petit à petit, une vraie professionnelle de la petite enfance. » (Lacroix, 2021)

Langues, Cultures, et Éducation : Défis et Émerveillements dans des Contextes Interculturels (19)

Les liens entre les langues, entre l’écrit et l’oral, le rapport à l’école, les représentations et les attentes scolaires prennent tout une autre dimension dans des contextes sociaux et éducatifs fortement caractérisés par le contact entre langues et cultures et les enjeux interculturels. Le sentiment livré est celui d’un manque de préparation des enseignants pour faire face à ces situations. Les stéréotypes sont nourris et les capabilités ne sont pas explorées.

L'expérience personnelle fondée sur l’ouverture à l’altérité a été une voie d’émerveillement personnel et de questionnement professionnel et politique.

« Si j’avais beaucoup interrogé mon propre rapport à l’école et aux apprentissages, je n’avais encore jamais autant mesuré combien cet éloignement des attentes scolaires en matière de codes scolaires, de registres de langue ou de gestion du plurilinguisme pouvait entraver l’expression de leurs intelligences bien réelles et dont je voyais à chaque séance les manifestations. » (Gajoux, 2021)

5. Conclusions

L’analyse des contributions a mis en lumière dix-neuf aspects « élévants » dans la relation éducative, regroupés autour de 6 notions clés.

Le temps

1. Anamnesis: L'éducation formelle comme fil conducteur des récits enseignants

2. Temporalités de l'Enseignement : Des débuts de carrière aux nuances de confiance

3. Parcours du Combattant : Entre trajets, larmes et la quête de sens

4. Réciprocité Temporo-Spatiale : L'enseignant entre permanence et changement

5. Rythmes et Résistances : Les subtilités temporelles des relations pédagogiques

6. Défis et Réconciliation : Les élèves difficiles comme catalyseurs de transformation 

Le récit

7. Les fils du temps : Tissage des souvenirs dans le récit

8.Trans-sémiotique des Émotions : La rationalisation par le récit

9. Métamorphose et réciprocité : le récit autobiographique et le moment de bascule.

La violence

10. Entre deux mondes : La pression entre le présent scolaire et la détresse individuelle

11. La liberté de tenir tête : la résistance comme moyen pour dire

12. Entre récompenses et incompréhensions : la fragmentation des réalités

L’institution

13. La hiérarchie : source de réconciliation pédagogique

14. Réflexion sur la Transmission dans l'Enseignement : Entre Besoins Émergents et Pratiques Caduques

L’humanisme

15. Élever au-delà des rôles : La puissance humaine derrière chaque élève

16. Entre Éthique et Déontologie : Les défis du rôle du professeur au sein de l'institution scolaire

Les réseaux

17. Ecole et Famille : Les piliers du succès scolaire

18. Une pédagogie horizontale : Construire le savoir professionnel en réseau

19. Langues, Cultures, et Éducation : Défis et émerveillements dans des contextes interculturels

En explorant ses souvenirs et ses expériences, chaque auteur de récit offre une perspective unique sur la réciprocité pédagogique dans l'éducation formelle. Deux aspects attirent particulièrement l'attention : la manière dont les contributions s'entrelacent et leur intelligibilité globale.

Les liens qui se tissent entre les contributions accordent une fluidité agréable et parfois presque poétique dans leur lecture. Pendant la lecture des textes nous avons observé que l’aspect abordé par une contribution ouvrait la voie à la prochaine lecture qui abordait ce même aspect tout en en ouvrant à un autre. Ces mouvements à la fois de convergence et d’une nouvelle exploration mettent en lumière la diversité de situations, de ressentis, de besoins, de problématiques et de solutions, sur lesquelles il est possible de s’appuyer pour comprendre la complexité du contexte étudié.

Chaque contribution enrichit ainsi le panorama global du corpus et reflète les préoccupations de son époque à travers les sens partagés. Cette particularité de l'exploration du corpus est directement liée à la méthode outillée de traitement et analyse choisie. L'emplacement spatial des éléments dans les résultats fournis par IRaMuTeQ n'est pas anodin. De la même manière que l'opposition spatiale correspond à une opposition sémantique, les convergences sont à la fois spatiales et sémantiques. L’ordre de lecture des contributions, orienté par ses résultats, a participé à la découverte du corpus à partir de ces mouvements de convergence et divergence. Ceci confirme l’intérêt de l’utilisation de l’analyse outillée par IRaMuTeQ qui permet de révéler le corpus à partir des relations établies entre les contributions, ce qui permet de proposer une visualisation des données et de montrer ainsi la complexité de ce corpus.

En ce qui concerne les perspectives futures, l'exploration du corpus des prochaines éditions du dispositif, en suivant les mêmes choix méthodologiques, pourrait révéler une dimension supplémentaire. La comparaison entre les analyses des différentes éditions pourrait permettre d'observer l'évolution des tendances et des préoccupations au fil du temps. A noter qu’une anthologie internationale ce(q)ne est également en préparation.

6. Référence biblipgraphiques

Auger, N. & Miquel, F. (2024 sous presse). "Inclusion et relations en contexte d’enseignement-apprentissage aux élèves allophones nouvellement arrivés", In Bruley, C. & Cadet, L. (éds.), Enseigner le français en contexte migratoire : ingénieries, littératie, inclusion. Peter Lang.

Beaudouin, V. (2016). "Retour aux origines de la statistique textuelle : Benzécri et l’école française danalyse des données", JADT, 1727.

Bourdieu, P. (1979). La distinction. Critique sociale du jugement. Les éditions de minuit.

Académie de Montpellier. (2021) Ces Elèves (qui) Nous Elèvent. Recueil et florilège. 2018-2021. https://www.ac-montpellier.fr/recueil-de-textes-123020

Grevisse, M., & Goosse, A. (2008). Le bon usage. Grammaire française (14th éd.). de boeck duculot.

Guérin-Pace, F. (1997). "La statistique textuelle. Un outil exploratoire en sciences sociales", Population, 52(4), 865887.

Lebart, L., & Salem, A. (1994). Statistique textuelle. Dunod.

Loubère, L., & Ratinaud, P. (2014). Documentation IRaMuTeQ 0.6 alpha 3 version 0.1.

Mayaffre, D., Pincemin, B., & Poudat, C. (2019). "Explorer, mesurer, contextualiser. Quelques apports de la textométrie à lanalyse des discours", Les outils informatiques au service des linguistes, 203, 101115.

Miquel, F. (2020). Quand les élèves nous élèvent. De nouvelles voix éducatives. LHarmattan.

Monneret, P., & Poli, F. (2020). Grammaire du français. Terminologie grammaticale. Ministère de lEducation Nationale et de la Jeunesse.

Sauvage, J., & Nourrit, D. (2022). "Humanités numériques et pensée complexe", LHUMAINE, 1. https://lhumaine.numerev.com/articles/revue-1/2727-humanites-numeriques-et-pensee-complexe

 

 

[1] Les contributions du projet CE(Q)NE ont été organisées en deux groupes, les contributions directes et les contributions indirectes (enquêtes et interviews). Dans cet article nous analyserons uniquement les contributions directes, ce qui veut dire, celles rédigées par leurs auteurs.

[2] Analyse de classification hiérarchique.

[3] Ce choix dun nombre limité de catégories a pour objectif de rendre les plans factoriels lisibles pour le lecteur.

[4] Définition de Molinié (2008)

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