N°1 / Numérique, Humanités et Sciences du langage

François TADDEI

ENTREVUE EXCLUSIVE

Jérémi Sauvage

Résumé

Une fois par an, la revue LHUMAINE a pour objectif de s'entretenir avec un chercheur de renom dont le travail ne s'inscrit pas forcément en Sciences du langage ou en Sciences Humaines et Sociales. Pour ce premier numéro, nous avons eu le plaisir de rencontrer François Taddei dans le parcours et le travail sont nourissants pour réfléchir en interdiciplinarité. Composée de deux parties, vous trouverez la permière transcrite ici-même et la seconde en vidéo sur la chaine YouTube de l'Unité de Recherche L H U M A I N. Remerciements à Nathalie Auger et Chrysta Pélissier qui m'ont aidé à préparer cette longue et belle entrevue.

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Bonjour François TADDEI, merci d'avoir accepté de me recevoir ici à Paris, au Learning Planet Institute pour réaliser cette interview dont une partie sera diffusée dans le cadre de la Fête de la Science à l'université Paul-Valéry – Montpellier 3 et une autre qui sera publiée dans la nouvelle revue scientifique LHUMAINE. Par nos échanges, l'idée est de contribuer à la définition du positionnement des travaux menés par les différents membres de notre unité dans la dynamique actuelle des unités des humanités numériques. Avec mes collègues, Nathalie Auger et Chrysta Pélissier, compte tenu de vos responsabilités au sein du département frontière du vivant et de l’apprendre, nous avons pris le parti de construire cette interview sur cette idée de « frontière » qui, selon nous, transparaît dans plusieurs de vos activités. En effet, François Taddei, vous avez un parcours et un profil de chercheur et de penseur que je caractériserais à la fois d’académique et de non académique. Aujourd'hui, vous êtes directeur de recherche à l'Inserm en Génétique moléculaire, évolutif et médical, mais aussi en Education. Avec Ariel Lindner, vous avez cofondé le CRI (Centre de Recherches Interdisciplinaires) en 2006, devenu le Learning Planet Institute en 2021, et vous avez notamment conduit des réflexions à propos des approches éducatives innovantes en sciences, comme par exemple les « Savanturiers, école de la recherche ».
 

 

FRONTIÈRE, INTERDISCIPLINARITÉ ET CHERCHEURS INDISCIPLINÉS

 

LHUMAINE : Dans un premier temps, j'aimerais aborder avec vous l'importance de l'interdisciplinarité dans la recherche scientifique universitaire qui nous préoccupe tous beaucoup, notamment dans l’unité de recherche LHUMAIN qui a cet objectif d'encourager les travaux interdisciplinaires. En première question, « Et si nous » faisions de la recherche scientifique en réelle interdisciplinarité, dans une démarche collaborative ? Comment aborder, considérer les frontières entre les disciplines académiques, mais aussi entre le monde universitaire, le monde économique et local, au niveau national et international.

François TADDEI : Vaste et belle question à laquelle je ne suis pas sûr d'avoir la réponse, mais ce qui est sûr, c'est qu’il faut probablement changer de regard parce que les disciplines, classiquement, ont tendance à chacune œuvrer dans leur tour d'ivoire. Il n'est pas complètement évident de dépasser les frontières quand on est dans le modèle historique. Si par contre, on prend un problème un tant soit peu complexe, qu'il soit local, national ou global, on obtient des problématiques qui sont enchevêtrées, quasi fractale entre ces niveaux de l'intime, parfois jusqu'au global. On peut prendre jusqu'à la crise climatique, la crise démocratique ou la crise sanitaire que l’on vit. On voit bien que toutes ces crises impactent l'ensemble de ces dimensions. Mais aucune de ces crises ne peut être pensée par une seule discipline. Pour penser l'ensemble des dimensions qui seraient nécessaires à prendre en compte pour appréhender ces crises de manière suffisamment systémique et holistique pour prétendre à au moins une description, si ce n'est une capacité à les penser et éventuellement à les résoudre, ce qui est ultimement ce dont nous aurions besoin collectivement. Si on veut, ne serait-ce qu’aborder ces sujets, on ne pourra pas le faire uniquement sous des angles disciplinaires classiques. Il va falloir inventer d'autres manières de faire, quitte à dépasser une partie des contraintes du système actuel. Or on connaît tous ces contraintes et elles ne nous encouragent pas à sortir des cadres de pensée historiques.

LHUMAINE : Ce « dépassement » est-il synonyme d' « innovation » ? Avec le fait d'envisager, par exemple, un nouveau positionnement éthique, puisqu'on parle de plus en plus des enjeux éthiques, par exemple dans les démarches scientifiques d'aujourd'hui ?

François TADDEI : Les questions éthiques sont effectivement toujours plus essentielles. En même temps, c'est peut-être parce qu'on les a oubliées pendant trop longtemps. Pour Aristote, par exemple, il y avait trois formes de connaissance : Epistémè, Technè et Phronesis.  L’Epistémè, c'est la connaissance du monde, ça a donné, la Science, l'épistémologie. La Technè, a donné la technologie, la capacité à agir sur le monde. La Phronesis, a donné l'éthique de l'action. Mais où est-elle enseignée ? Ou est-elle travaillée ? D'autant plus que l'éthique de l'action est plus complexe aujourd'hui qu'au temps d'Aristote, puisque, au temps d'Aristote, on pouvait s'interroger sur l'impact de nos actions sur soi et sur les autres. Mais aujourd'hui, il faut en plus le faire sur des temps longs. Il faut le faire non seulement sur des échelles locales, mais aussi sur des échelles globales. Notre empreinte carbone à tous aura des impacts sur le temps long et à l'échelle globale. Ainsi, il n’est pas facile de penser cette « éthique climatique », voire une éthique intergénérationnelle. Bien entendu, cela ne peut se faire sans Epistémè ni Technè. Nous avons besoin des rapports du GIEC pour être capables de comprendre les enjeux climatiques et pour avoir une réflexion éthique sur le sujet. Ces besoins éthiques sont toujours plus nécessaires. Or, ils ne sont pas enseignés et il y a trop peu de recherches sur ces sujets. La plupart des recherches sur ces thématiques sont descriptives. Elles ne sont pas prescriptives. Ce n'est pas ainsi que l'on va résoudre ces problèmes globaux. Il faut donc a minima être capables de décrire l'ensemble des implications éthiques de nos actions, de nos réflexions, de nos modèles de pensée, de nos modèles d'organisation de la société pour être capable d'éventuellement proposer et expérimenter d'autres choses, les tester, les valider ou les invalider.

LHUMAINE : Vous vous référez souvent à la Phronesis d'Aristote. Les chercheurs en quête de connaissances nouvelles manqueraient-ils de temps et de prudence ? Quel est votre point de vue par rapport à un manque de vigilance ?

François TADDEI : Je pense que le manque de temps est probablement une maladie de notre époque parce qu'on est aspiré à la fois dans des contraintes professionnelles où on a énormément de choses à faire, mais aussi des contraintes sociales, politiques et économiques. La capacité à prendre du recul, la capacité à s'interroger sur d'autres manières de faire ? Puis-je prendre du temps pour discuter avec des collègues qui, a priori, sont loin de moi et qui néanmoins font des choses complémentaires de ce que j'ai à faire pour justement pouvoir aborder ces grands enjeux personnels, locaux et globaux et les questions d'éthique et de phronesis sous-jacentes. Nous sommes aujourd’hui incités à participer à une course pour nos carrières ou pour nos financements. Nous ne sommes donc pas dans une logique où on peut prendre ce recul. D'autant qu’une bonne partie de notre carrière est évaluée de manière mono-disciplinaire. Prendre du temps pour s'ouvrir à l'autre, aux autres regards, aux autres disciplines n'est absolument pas favorisé. Or, on a besoin de ça. Edgar Morin, qui est quand même une figure tutélaire pour nous tous, l'avait bien compris et depuis bien longtemps. Néanmoins, le système a trop peu évolué et ce besoin de réinventer l'Université me paraît essentiel. Pour moi, l'Université a plusieurs spécificités par rapport au reste de la société. Tout d’abord, citons l'intelligence de l'ensemble des chercheurs et de l'ensemble des disciplines qui y sont représentées, avec le cloisonnement qui est un problème mais qui pourrait être dépassé si on s'en donnait les moyens. Mais ce n'est pas simple parce qu'il y a toujours plus d'endroits où il y a des chercheurs avec de plus en plus de disciplines : par exemple, le CNRS concentre des chercheurs de tous horizons, et certaines grandes entreprises ont d'excellents chercheurs dans beaucoup de domaines, en particulier sur les interfaces entre l'humain et le numérique. Ensuite, l'Université, elle, a aussi une jeunesse qui n'est pas là par hasard : une jeunesse qui est là pour apprendre, pour s'engager, pour comprendre. La question est alors : est-ce qu'on est capable de faire évoluer nos universités avec les besoins de cette jeunesse et avec les capacités que le monde académique peut leur offrir ? Est-ce qu'on peut fabriquer les universités et les laboratoires du monde de demain ? Très honnêtement, je ne vois pas d'autres lieux pour inventer le monde de demain que l'Université ; ou s'il en existe d'autres comme la Silicon Valley, je ne suis pas certain qu'on arrive à des solutions humanistes, inclusives et qui œuvrent dans le sens de l'intérêt général.

LHUMAINE : Il semble exister une certaine forme de compétition et de concurrence au niveau des chercheurs. On nous demande sans arrêt de faire des dossiers d'évaluation, parfois pour de bonnes raisons finalement, mais cela engendre une pression psychologique générale. On peut alors se demander s'il est possible de penser une recherche humaniste, justement, qui pourrait par exemple intégrer ce qu'on pourrait appeler la complexité de chacun. Une démarche où le revers de la médaille serait au moins atténué, voire secondaire.

François TADDEI : En fait, je pense, à titre personnel et plus collectivement, que nous sommes les fruits d'une compétition scolaire, universitaire et scientifique… Cette compétition qu’on n'est pas seul à subir, est également une compétition économique et une compétition démocratique. Il existe beaucoup de formes de compétition dans le sport et dans la Société. Mais pour gagner dans cette compétition, on est incité à se concentrer sur les pratiques qui favorisent notre succès. Or, si vous êtes dans cette compétition-là, vous oubliez tout ce qui n'est pas mesuré parce qu'on a tous un temps fini. Le temps que vous passez alors dans le cadre de cette compétition, vous ne le passez pas à prendre soin de vous ou à prendre soin des autres, à prendre soin de la planète. Cette logique-là est forcément problématique. C'est vrai à l'université, mais aussi dans l'économie. Cela est vrai dans divers endroits, parce que s’il n'y a que l'argent qui compte et non les impacts sur la société ou sur l'environnement, cela engendre différents problèmes qui nous menacent tous aujourd'hui. Cela est vrai à toutes les échelles et il faut prendre du recul pour s'interroger sur le bien-fondé, si ce n'est de la compétition, du moins des métriques qui sont utilisées dans la compétition : est-ce qu'on a vraiment besoin d'une compétition exacerbée ? Est-ce qu'on peut imaginer des formes de coopération ? Est-ce qu'on peut imaginer même des formes nouvelles de compétition, ce qui est le cas dans les sports collectifs, par exemple ? Cela n'a rien de très original, mais on peut vraiment se poser ces questions. Est-ce qu'on crée des biens publics ou des biens privés ? Est-ce que l'on favorise des succès pour les individus ou pour le(s) collectif(s) ? Si on est dans cette logique d'ultra compétition, on finit par s'auto exploiter. Par voie de conséquence, on exploite les autres et la Nature sans scrupules, alors qu'aujourd'hui on a besoin fondamentalement d'apprendre à prendre soin de soi, des autres et de la planète. Si on veut prendre en compte différentes dimensions d'un problème, les métriques unimodales, unidimensionnelles, vont avoir du mal à comprendre en compte la complexité, car si, par exemple, vous ne prenez qu'une seule métrique, si vous ne regardez que l'argent ou que les publications, vous ne regardez pas les impacts sur la Société. Nous avons donc besoin d'autres métriques et éventuellement d'autres systèmes d'incitation. On peut par exemple considérer bien d'autres systèmes que ceux qui sont dominants aujourd'hui. On parle beaucoup de la cité de la connaissance, mais dans la cité de la connaissance, on a besoin d'une forme de reconnaissance. Connaissance et reconnaissance, knowledge et reknowledge, cognition et recognitionTous ces mots n’ont pas évolué par hasard. On a besoin de ces deux facettes. l'Université classique, c'est la reconnaissance des apprentissages des étudiants : ce sont les diplômes ; et la reconnaissance du travail des chercheurs : ce sont les publications, les postes, etc. On connaît tous ce jeu-là. Il a des vertus, on en a tous bénéficié d'une manière ou d'une autre. Mais il a aussi beaucoup de défauts et il faut apprendre à au moins en prendre conscience pour commencer à en débattre et éventuellement s'interroger sur quelles alternatives sont possibles. Je ne sais pas s'il faut les décider d’en haut ou au contraire, essayer d'imaginer d'autres systèmes. Mais on a besoin de s'ouvrir à ce questionnement, parce qu'autrement on ne prendra pas en compte cette complexité. Quelle autre forme de connaissance et de reconnaissance ? En prenant les étudiants et leurs apprentissages, on peut d’abord préciser que la formation se déroule tout au long de la vie, et plus simplement sous la forme d’un diplôme en formation initiale. On apprend pendant toute sa vie et on doit pouvoir obtenir des formes de reconnaissance pour ces apprentissages. On peut imaginer des open badges parce que nos apprentissages ont été documentés par nos apprentissages, par exemple quand on a contribué à Wikipédia ou rendu une information ou une connaissance disponible pour l'ensemble de la communauté (ça existe dans beaucoup de domaines). Je pense que cela peut fonctionner, y compris dans le domaine scientifique et académique. C'est d’ailleurs déjà le cas, par exemple, en informatique : si vous êtes un codeur, on va regarder au moins autant vos contributions sur des plateformes comme GitHub ou Stack Overflow, et non seulement vos publications uniquement ou a fortiori vos diplômes qui dateraient de 10, 20 ou 30 ans. Ces dynamiques sont donc déjà à l'œuvre dans certains domaines. En fait, il peut y avoir différentes formes de reconnaissance. Il y a déjà la reconnaissance que l'on apporte à son propre travail, à ses propres apprentissages. Cette capacité à s'autoévaluer est déjà fondamentale mais elle n'est pas enseignée, ou alors très peu. Il y a la reconnaissance par ses pairs, les pairs du monde académique pour des universitaires, mais cela peut être également des pairs dans différents domaines, comme dans le monde de la musique ou en informatique. Il peut y avoir une reconnaissance par le public qui bénéficie de ce que vous avez fait. Cela est par exemple très important pour les musiciens, mais il existe d’autres domaines dans lesquels ça peut être vrai. Si vous avez fait quelque chose qui est utile socialement, certaines personnes peuvent vous reconnaître. Ensuite, il peut y avoir une reconnaissance par la preuve tangible de ce que vous avez produit : un morceau de musique, un film, un gâteau, une maison. Ce que vous avez produit est visible, les gens peuvent se l'approprier et porter un regard dessus. Enfin, il y a la reconnaissance académique, avec le poids de l'institution, qui est intéressante et qu'il ne faut pas négliger, mais qui n'a pas forcément l'exclusivité de cette forme de reconnaissance. Elle peut d’ailleurs elle-même éventuellement reconnaître d'autres dimensions comme celles que j'ai énoncées précédemment. Les doctorats honoris causa sont une forme de reconnaissance que le monde académique donne à des gens généralement pas issus du monde académique, mais qui ont contribué, par leurs réflexions ou leurs actions, à avoir un impact positif sur le monde en général et sur l'Université en particulier. Je pense que ces dimensions-là sont très intéressantes. Est-ce qu'on peut imaginer, par exemple, d'autres diplômes honoris causa, ou d'autres formes de reconnaissances honoris causa, plus graduelles, plus fines pour ce genre de choses ? Pourquoi pas ? On a le droit de se questionner a minima. Est-ce que seules les universités doivent donner des doctorats honoris causa ? Est-ce que ça peut être plus granulaire ? On peut se poser beaucoup de questions : est-ce qu'une UFR, une UMR, etc. pourrait éventuellement faire ce genre de choses ? On voit bien qu'il y a un besoin de se questionner sur ces sujets, parce que si l’on veut vraiment comprendre la complexité du monde, on ne peut le faire seul. Par contre, dans un collectif, qui saurait se parler, qui saurait prendre le temps d'intégrer ces différents regards, je pense que des choses deviennent possibles. On en a presque le devoir, en tout cas si on veut aborder cette complexité. Je ne vois pas très bien comment on peut faire autrement que d'inventer d'autres manières d'offrir de la reconnaissance pour ceux qui vont prendre le temps d'aborder cette complexité.

LHUMAINE : Cela me fait penser à ce que vous développez dans votre dernier ouvrage, quand vous parlez d'intelligence collective et de l'importance des enjeux justement de la mettre en pratique, c’est-à-dire de « permettre une intelligence collective ». En vous écoutant, je me dis peut-être que ce serait une voie possible. Peut-être pas une « méthode » au sens strict, mais disons une direction à prendre pour aboutir à tous ces aspects.

François TADDEI : Oui, l'intelligence collective est une manière de dire qu'ensemble on est capable de comprendre des choses qu'on ne saurait comprendre seul. En fait, il y a différentes formes d'intelligence collective. Il y a des formes assez classiques parce que le monde académique, si chacun d'entre nous voit plus loin, c'est parce qu'on gravit sur les épaules de géants, on le sait depuis le Moyen Âge… On voit bien qu'on a appris des autres générations. Mais en fait, comme il y a 100 fois plus de publications tous les 100 ans depuis 300 ans, on a tendance à se concentrer sur les quelques publications dans notre champ, qui n’est souvent qu’un « sous sous champ » disciplinaire. On n'a alors plus le temps de lire l'intégralité d'un champ disciplinaire et encore moins d'autres champs disciplinaires. Au mieux, dans cette logique, on va aborder un sous-ensemble de questions complexes nécessaires. Par contre, si on prend le temps de discuter avec des collègues et d'intégrer des regards différents, de mobiliser l'intelligence collective, y compris de savoirs non-académiques, on peut mieux décrire la complexité des problèmes. Je prends juste un exemple : l'Institut de recherche sur le développement, l’IRD, a un programme que je trouve très intéressant, dans lequel on travaille non seulement sur les grands bouleversements du monde, le changement climatique, l'érosion de la biodiversité et toutes leurs conséquences, mais également sur un projet que je trouve très intéressant, qui demande à des jeunes d'interviewer leur grands-parents sur « c’était comment, une ou deux générations plus tôt ? ». « Où était le désert ? Où étaient les glaciers ? Où en était le littoral, la forêt, la ville, la pollution etc. Aujourd'hui, les chercheurs de l’IRD, quand ils présentent leurs travaux dans des conférences internationales, ils présentent à la fois les chiffres mais aussi les récits des humains sur leurs objets d’étude. Cette capacité à contraster les points de vue scientifiques et les points de vue vécus par les populations locales permet de donner un autre regard sur des sujets qu'il faut bien entendu aborder scientifiquement, mais pas seulement. Il est nécessaire de bien prendre en compte les impacts sur les humains, si on veut à nouveau prendre en compte cette complexité et éviter que ces populations ne se sentent complètement abandonnées face aux difficultés qu'elles ressentent. Il faut a minima les entendre et idéalement co-construire avec elles non seulement du savoir, mais éventuellement des solutions. En fait, on a besoin de solutions car ces populations en ont besoin. On ne peut plus se contenter d'une trajectoire par défaut les Lumières, le progrès, arriveraient et nous sauveraient tous. Ce n'est pas la trajectoire qu'on est en train de prendre. On a donc besoin d'une vraie capacité à s'interroger et éventuellement à interroger les paradigmes dans lesquels on travaille jusqu'à aujourd’hui. Ces paradigmes ont été féconds. Autrement, on ne les aurait pas. Mais on sait tous qu’un paradigme donné ne voit que ce qu'il a envie de voir. De même qu'on a des biais cognitifs en tant qu'êtres humains dotés d'un cerveau, on a aussi des biais académiques et les deux ne sont évidemment pas exclusifs. On passe ainsi à côté de beaucoup de dimensions de cette complexité. On a donc besoin de cette intelligence collective et, par exemple, de sciences participatives pour écouter le point de vue des citoyens sur ces enjeux. On a besoin d'interroger la nouvelle génération, par exemple, sur quel avenir elle souhaite avoir. Or, on peut déjà commencer à faire cela à notre échelle. Par exemple, pourquoi ne pas réinventer l’Université avec nos étudiants ? Pourquoi ne pas leur demander ce qu'ils attendent de nous, de ce lieu si singulier et si emblématique, de la possibilité de réfléchir à la possibilité de se questionner ? Mais si on ne questionne pas la manière-même dont on se questionne, on risque de reproduire le système à l'identique. Si on s’intéresse aux universités à travers les âges, elles ont souvent contribué au progrès intellectuel, mais pas toujours. Pendant les Lumières, les universités françaises n'ont pas joué un rôle essentiel. Je ne suis pas exactement ce qu’il en était pour Montpellier, mais la Sorbonne n’avait pas très bonne réputation, à tel point qu'elle a fermé après la Révolution française. Mais ce n'est pas une fatalité parce que les universités écossaises ont clairement joué un rôle très progressiste à la même époque. Cette capacité à explorer que les universités ont, à se réinventer pour contribuer aux transformations du monde de manière positive, pas simplement pour les analyser et les dénoncer, mais éventuellement pour proposer des alternatives. Cela suppose donc de mobiliser ce collectif, ce regard multidimensionnel, et d’intégrer le point de vue des jeunes. Il ne s’agit pas de leur donner les clés, mais de réfléchir avec cette génération : quelles sont leurs attentes ? Qu'est-ce qu'on peut inventer ensemble ? Fort de notre compréhension de l'histoire, de savoir d'où on vient, savoir où on est, pour mieux réfléchir à « où on va ».

LHUMAINE : Il y a aussi toute l'influence de la société, notamment des religions, avant la Révolution française. A Montpellier l’histoire de la faculté de médecine est assez importante et les médecins chrétiens ne pouvaient pas faire d'autopsies sur les cadavres. Il y avait donc un système de tunnels sous la ville, entre la Faculté de médecine et d'autres endroits pour que des médecins musulmans puissent les pratiquer, car eux n'avaient pas de contre-indications par leur religion. Les médecins chrétiens faisaient alors passer les cadavres pour que leurs collègues musulmans puissent pratiquer et étudier. Vous avez parlé de la trajectoire et de l'histoire de la pensée, des courants, des écoles. Qu'est ce qui peut faire avancer « un peu » la connaissance ? C'est parfois le fait de changer son regard, de faire un pas de côté par rapport à un objet de pensée. Votre parcours me fait penser à deux personnes que j'aime particulièrement pour des raisons différentes : Jean Piaget et Edgar Morin. Jean Piaget, parce qu'au départ il était botaniste, il n'était pas psychologue de formation. Edgar Morin, lui, a passé deux années aux États-Unis en travaillant avec des biologistes, des physiciens en thermodynamique, ce qui l’a conduit à réfléchir à ce qui allait devenir La Méthode. Cela a énormément nourri sa pensée. Or, je trouve que vous êtes dans cette trajectoire, entre le parcours d'ingénieur, le parcours de spécialiste des bactéries dans un laboratoire CNRS, tout cela pour arriver sur le terrain de l'éducation. Au-delà de la trajectoire de l'histoire, de la pensée, des disciplines, il y a les trajectoires des personnes, tout simplement. Je voudrais alors savoir quel regard vous portez sur votre parcours, de manière introspective ? Est-ce que vous pensez que les caractéristiques de votre parcours de formation, d'évolution sont parties prenantes, complètement ou partiellement sur votre manière de penser aujourd'hui de tout ce que vous avez construit depuis plusieurs années maintenant ?

François TADDEI : Il est certain qu’on est le fruit de son histoire et que je ne suis pas une exception par rapport à ça. En fait, je pense que je suis profondément curieux et que, à ce titre, j'aime comprendre. Par exemple, je me souviens de mes cours de physique de seconde où tout d'un coup, on nous parlait de « dynamique ». Jusque-là, on avait une description du monde assez statique, en particulier en SVT et même en physique. Et là, comprendre les trajectoires, les accélérations, pouvoir mettre des mathématiques derrière, les forces et les énergies de toutes ces relations... Tout cela a été très fondateur pour moi et je me souviens que je me suis intéressé à la biologie pendant une partie seulement de la Terminale. Quand on a commencé à parler de génétique, on a parlé de physiologie, de facto, des choses qui sont dynamiques… Ensuite, j'ai fait des études en classe prépa et j'ai suivi beaucoup d’enseignements en Mathématiques et en Physique. Puis, j'ai fait mon service militaire, ce qui a été un moment un peu particulier parce que si le mot « autorité », au sens de Michel Serres, « qui fait grandir », ne me pose pas de problème, et mes parents m'ont permis de grandir très nettement à ce niveau-là, pendant mon service militaire, j'avais du mal à comprendre l'autoritarisme. Si on ne m'expliquait pas la raison, j'avoue que ce n'était pas simple pour moi. J'avais d’ailleurs passé les tests psychométriques à l’entrée de Polytechnique. Or, je n'étais pas dans la « norme » par rapport à la communauté à laquelle j'appartenais quant à ma capacité à obéir à l'autorité. Mais si j'ai fait beaucoup de jours d'arrêt, je le dois probablement à cette incapacité à obéir sans comprendre. Voilà une de mes caractéristiques. Mais ce qui était intéressant à Polytechnique, c’était que, qu'on le veuille ou non, on était obligé de prendre des cours dans de nombreuses disciplines, non seulement en Mathématiques, en Physique, mais en Chimie, en Economie, en Biologie, en Mécanique, en Informatique, mais aussi en Sciences humaines et en Sport. Je suis rentré major en sport, parce qu’après deux ou trois ans de prépas, peu ont su garder une activité physique digne de ce nom. Pour les Sciences humaines, on avait une demi-journée consacrée à cela. En fait, il y avait deux promos sur un plateau et ce n'était pas les mêmes demi-journées. Ce que je faisais, c'est que je séchais des cours de mécanique pour prendre des cours de Sciences humaines. J'ai donc eu le droit à une double dose de Sciences humaines à ce moment-là. Il se trouve qu'en plus, j'ai un père qui vient des Sciences humaines. J'ai donc à la fois une culture personnelle familiale et une culture académique où on avait quand même des professeurs exceptionnels : Marc Ferro en Histoire, Elisabeth Badinter en Psychologie, Hervé Le Bras en Démographie... Ces enseignants m'ont aidé à m'ouvrir et à penser d'autres sujets. En outre, on avait des cours d'anglais, d'espagnol et de portugais, ce qui m'a ouvert à d'autres pays. Par exemple, en cours d'anglais, j'avais des cours de cinéma américain et on a travaillé sur Hitchcock, et faire un exposé sur ce réalisateur, ce qui ouvre l'esprit.  J'ai également beaucoup voyagé parce qu’en plus, on est payé en tant qu'étudiant. J'en ai donc profité pour explorer de nouveaux horizons. C'est vrai qu'on avait énormément de chance. Puis aux Eaux et Forêts, on a continué à nous ouvrir au monde avec des dimensions plus appliquées, en particulier les implications sur l'agriculture, mais aussi sur l'économie, l'écologie. On avait déjà des ouvertures intéressantes La possibilité que j'ai trouvée extraordinaire entre mon arrivée à Polytechnique et ma thèse est que j'ai visité 80 laboratoires de recherche dans une dizaine de domaines de disciplines différentes. On avait nos propres financements de thèses et donc on était bien reçus par à peu près tous les chercheurs. Il y a alors eu une très grande ouverture à ce moment-là. J'ai changé quatre fois de sujet de thèse en quatre ans, donc j'ai abordé différents thèmes. Alors, la plupart des gens disent qu'il ne faut pas le faire. Ma thèse n’était pas extraordinaire, mais je m'en suis sorti correctement. Je n'ai pas arrêté de réfléchir, de me questionner. J’ai pu rencontrer ici ou là des personnes pour m'interroger sur ce que je souhaitais faire. Pui un an plus tard, j'ai pu publier dans de très bonnes revues scientifiques, ce qui m'a permis d’obtenir des prix. Je pense donc avoir pris du temps à la fois pendant mes études et dans ces circonstances très particulières pour aborder des questions un peu plus ouvertes et discuter avec des personnes très différente, ce qui m'a été très utile intellectuellement, scientifiquement, personnellement. Ensuite, j'ai continué… Quand j'ai reçu ces prix, ça m'a ouvert des portes. Des gens m'ont rencontré et m'ont donné des moyens. Je me souviens que quand j’ai eu mon premier prix, le Prix de recherche fondamentale à l'Inserm, j'avais demandé à Christian Richaud, qui était Directeur Général de l'Inserm, pourquoi j'avais obtenu ce prix, il m’a dit que c’était parce que j’avais fait de l’interdisciplinarité.  Je lui ai dit que les grandes publications scientifiques en étaient pleines, qu’il n'y avait rien de très original. Et il m’a alors répondu que peu de gens en France en avait fait autant. A l'époque, nous étions peu à nous intéresser à l’interdisciplinarité. Cela a un peu changé quand même, mais on était en 2002 et je lui ai dit que je connaissais beaucoup de jeunes qui voulaient travailler ainsi. Ayant obtenu un poste de chercheur à l'Inserm, je n'avais pas d'obligations d'enseignement. J'enseignais donc à l'Institut Pasteur, le premier endroit où j’ai enseigné. Puis j'ai enseigné à l’ENS, à l’Agro, à l’ESPCI… J’ai enseigné en fac à chaque fois de manière assez ponctuelle, c'était plutôt des interventions. Mais à l’ENS en mathématiques, on m'avait demandé de faire le cours d'initiation à la biologie pour les spécialistes en mathématiques de l'ENS, plutôt des étudiants brillants. Je leur donnais des papiers de Nature qui venaient de sortir, et je leur disais : « Voilà, il y a un peu de bio, mais il y a des maths. Réfléchissez-y, et dites-moi ce qui vous intéresse ». Leur examen consistait à choisir un article, à raconter ce qu’il y avait d'intéressant dedans. C’était donc déjà de la formation par la recherche et cela fonctionnait. Ils en voulaient toujours plus. C’était la génération Internet. Moi j’ai soutenu ma thèse en 1995 et entre 95 et 2002, j'ai enseigné ici et là. Cette génération d’étudiants n’avait même plus besoin de courir d'une bibliothèque à l'autre ce que j'avais fait, moi, pendant ma thèse, entre différentes disciplines. Il y a des biologistes qui font des maths, des physiciens qui font de l'informatique. Certains voulaient aborder des problèmes complexes en utilisant des outils de différentes disciplines et je leur disais qu’en fait, c'était possible. D'ailleurs, c’était ce que j'avais fait et eux aussi pouvaient le faire. Progressivement est né un petit collectif, de ce petit collectif, a été créé un séminaire d'une semaine pour voir ce qu'on pouvait faire dans un collectif interdisciplinaire. J'avais été inspiré par un collègue américain qui prenait des petits groupes d'étudiants et les invitait à écrire leurs propres projets de thèse et leurs propres projets de recherche. On a donc fait ça de manière complètement interdisciplinaire : il y avait des mathématiciens, des physiciens, des chimistes, des biologistes, des médecins, des gens des sciences humaines et on était partis pour une semaine. 20 ans plus tard, la trajectoire a continué parce que chacun d'entre eux en a voulu plus. D'autres nous ont rejoints et on a démarré comme ça, avec une quinzaine d'étudiants et quelques chercheurs qui avaient réussi par l'interdisciplinarité malgré le système. Mais le système les reconnaissait. Moi j'étais Prix INSERM, il y avait des prix CNRS, des médailles de bronze, d'argent, etc. et on s'est rendu compte que ce qui était déconseillé était in fine primé. Il y avait donc une espèce d'incohérence dans le système et une volonté d'essayer autre chose. On a démarré sans aucune ressource. Moi, j'avais eu un prix et j'ai utilisé un peu de l'argent de la Fondation Bettencourt pour démarrer. Ensuite, l'Inserm m'a encouragé à continuer. Puis le doyen de la faculté de médecine. Et toujours plus de gens qui disaient : « La médecine génère des données beaucoup plus vite que les médecins ne sauront jamais les analyser. On a besoin de méthodes, on a besoin d'informaticiens, on a besoin de physiciens, on a besoin d'ingénieurs, on a besoin de gens ayant un autre regard, y compris venant des sciences humaines ». Voilà comment on a grandi. On a eu des petits financements ici et là pour commencer. Puis la Fondation Bettencourt nous a aidés. Elle a financé 60 % de ce qu'on a fait depuis 2006, et elle s’est engagé jusqu'en 2024. On a donc eu cette chance de faire grandir ces projets mais, honnêtement, rien n'était prémédité. Il y avait simplement une demande et une envie de faire autre chose. On a essayé. Ça a plutôt marché, puis ça a grandi. Maintenant, on a 7000 mètres carrés, on a des diplômes de licence, de master, de doctorat, une UMR et une chaire Unesco. On a toute une dynamique qui s’est enclenchée progressivement. À ma grande surprise… Mais pour un biologiste de l'évolution, finalement, c'est assez naturel parce que tout ça a évolué. J'ai beaucoup travaillé sur la coopération, sur l'échange d'informations et sur la coévolution des deux, mais aussi sur l'évolutivité, sur la dégénérescence des systèmes complexes. Quand on prend un peu de recul sur les systèmes biologiques et qu'on travaille sur leur dynamique et sur leur évolution et sur leur évolutivité qui est encore un autre niveau de dynamique, c'est une dérivée supplémentaire dans les équations. On se rend compte que le monde, notre société, nos systèmes évoluent et, il y a un principe que Lewis Carroll a été le premier à bien décrire, mais que Darwin avait compris, à peu près à la même époque d'ailleurs, c'est le principe de la Reine Rouge. La Reine Rouge est ce personnage de Lewis Carroll qui court très vite avec Alice, mais elle ne bouge pas du pied d'un arbre. Alice est un peu surprise et lui dit « je ne comprends pas pourquoi on n'a pas bougé alors qu'on a beaucoup couru ». Et la reine lui dit : « Mais dans mon pays, il faut courir au moins aussi vite que l'on peut pour rester sur place. Et si on veut aller ailleurs, il faut courir encore deux fois plus vite ». On est donc dans un monde en accélération constante, on est dans ce monde de la Reine Rouge. Si on est une institution qui évolue moins vite que le monde, est ce qu'on ne risque pas de devenir obsolète ? Ça, c'est une loi de l'évolution, c'est donc un risque avéré. Mais par contre, vers quoi on court ? Pourquoi on court ? Est-ce qu'on court vers l'abîme ? Est ce qu'on court vers le « mieux » ? Forcément, on est amené à s'interroger sur ces sujets-là. C'est donc un mélange de volonté, depuis l'enfance, de jouer, parce que j'aime beaucoup, beaucoup jouer, des petits chevaux à quatre ans, jusqu'à aux échecs et à plein d'autres jeux, y compris scientifiques par la suite… Comprendre par le jeu et les dynamiques, les évolutions du monde, pour essayer de prendre un regard un peu réflexif sur, non seulement ma trajectoire, mais aussi celle de ce que je voyais autour de moi, avec des événements qui m'ont fait sortir de ma tour d’ivoire. Le 11 septembre 2001, j’étais à New York. Je vois les tours jumelles tomber. Forcément, je m'interroge… Vu le temps qu'il faut pour construire des choses et le temps qu'il faut pour les détruire, je m'interroge sur cette asymétrie fondamentale. La crise COVID est pour moi un autre moment important de prise de conscience. L'ensemble de l'économie, la société peuvent s'arrêter.  Plus le changement climatique... Cette compréhension de nos vulnérabilités à la fois individuelle et collective permet, comme le disait très bien Confucius, de garder à l’esprit qu’on a deux vies et que la deuxième vie commence quand on sait qu'on en a qu'une. C’est vrai des individus, c'est vrai de nos sociétés, de nos institutions, voire de notre espèce et de notre civilisation. Si on ne prend pas soin de soi, des autres et de la planète, de nos institutions et des lieux que l'on apprécie, si on n'est pas capable à la fois de prendre soin tout en comprenant et en se réinterrogeant sur le sens de nos individualités, de nos collectivités, de nos institutions, de nos sociétés, on va droit dans le mur. Quand on prend conscience du fait que la trajectoire par défaut va dans le mur, on ne sait pas faire autrement que questionner. C'est pour ça que j'ai écrit ce deuxième livre qui s'appelle Et si nous ? et qui est une invitation au questionnement collectif. On sait depuis Socrate que c'est un peu à la base de tout. En même temps, on sait que ce n'est pas aussi encouragé que ça pourrait l'être dans nos sociétés, y compris dans nos démocraties. Si encore on était une dictature, on pourrait comprendre. Quand on me dit à propos de mon fils qui à l'époque avait six ans et qui entrait en CP : « Il est charmant, mais il pose des questions ». Honnêtement, pour moi, ça a été un tournant absolu. Nous ne sommes pas invités à questionner ne serait-ce que nos universités depuis l'intérieur de nos universités, ne serait-ce que nos schémas de pensées économiques, sociétaux, intellectuels. On n’accepte même pas de se faire questionner par la nouvelle génération alors qu'on sait, et ça a été prouvé scientifiquement, que le pic de questionnement est très jeune, vers quatre, cinq ans, que le pic de créativité commence à cet âge-là et va jusqu'à l'adolescence. On a donc besoin d'accepter de se faire questionner, a fortiori quand ce que nos générations ont fait amène les générations montantes dans le mur. On a besoin d'un questionnement en profondeur. Je pense que, si en tant que chercheur on ne se questionne pas, qui va le faire et quand ?

 

Vous pouvez retrouver la suite de l’entrevue en vidéo sur la chaîne YouTube de L H U M A I N.
 

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