Plus qu’un ouvrage, il s’agit ici d’un hommage à l’homme et au Professeur de l’Université de Liège qu’était Marc Richelle, figure incontournable de la Psychologie expérimentale de la seconde partie du 20e et du début du 21e siècle, mais aussi de l’éditeur Pierre Mardaga (Maurice Reuchlin, Jean-Adolphe Rondal, Jean-Paul Bronckart, Serge Brédart, Xavier Seron…). À titre personnel, il y a maintenant une trentaine d’années, la première édition (bleue) de l’Acquisition du langage chez l’enfant, qu’on appelait plus familialement le « Moreau / Richelle » m’a fait entrer dans un domaine qui a occupé beaucoup de place dans ma réflexion personnelle. Notamment spécialiste de B.F. Skinner, Marc Richelle a également participé à la formation de nombreux collègues, dont certains se trouvent au sommaire de cet ouvrage. On retrouve ainsi au sommaire de celui-ci Serge Brédart, Ecaterina Bulea Bronckart, Jan de Houwer, Olivier Houdé et John Wearden.
Les deux premiers chapitres (« Les avatars de la conscience » et « Les Auteurs oubliés ») sont signés par Marc Richelle lui-même et sont d’une importance fondamentale pour toute personne désireuse de problématiser le sujet de la conscience humaine à l’aune des questionnements contemporains, y compris à propos de l’intelligence artificielle dont on n’a, décidément, pas fini de parler. Les auteurs oubliés du chapitre 2 seront certainement familiers à beaucoup mais leurs œuvres scientifiques mériteraient à coup sûr d’être enseignées plus longuement aux nouvelles générations d’étudiants : B.F. Skinner (trop souvent réduit à un behaviorisme abétifié), J. Piaget, L. Vygotski et R. Zazzo. Sans eux, le visage de la recherche scientifique s’intéressant aux comportements humains aurait été très différent. Le chapitre 3, « La conscience à l’aune des neurosciences cognitives », écrit par Alex Cleeremans, part du premier chapitre initialement rédigé en 1996 par Richelle et propose une prise en compte actualisée de l’état des connaissances scientifiques au sujet de la conscience.
Le chapitre 4, « Mérites et défis du traitement des pensées et sentiments conscients et inconscients en tant que comportement », s’attache à « épistémologiser » la recherche sur les comportements par le prisme des postures behavioristes modernes formalisées par B.F. Skinner dans les années 1950 : comment considérer les activités cognitives comme des comportements privés ? Puis John Waerden s’intéresse à « La conscience et la perception du temps », en revenant notamment sur le temps et les états de conscience mais aussi sur la conscience du temps. Dans le chapitre 6 écrit par Serge Brédart, « Reconnaissance de sa propre image et conscience de soi », revient sur le fameux test de la tâche et du miroir chez le jeune enfant, où la reconnaissance de soi enclenche une prise de conscience de soi comme être. Olivier Houdé dans le Chapitre 7 (« À propos du développement de la conscience : Piaget et les découvertes post-piagétiennes en sciences cognitives ») propose une synthèse de cette évolution post-tâche dans le miroir. Comment se manifeste le développement de la conscience du jeune humain, au sein de la complexité de son développement psychique et social ? Enfin, Jean-Paul Bronckart et Ecaterina Bulea Bronckart closent l’ouvrage par un huitième chapitre intitulé « Le rôle des signes dans la genèse de la conscience ». Articulant de manière claire et remarquable Vygotski et Saussure, les auteurs proposent une posture épistémologique dans laquelle conscience et signe linguistique sont intimement liés, ce qui permet notamment de dépasser une bonne fois pour toute le sempiternel débat à propos de la primauté de la pensée sur le langage (ou inversement).
Cet ouvrage est donc un objet indispensable pour la bibliothèque de tout chercheur, jeune ou moins jeune, s’intéressant à la conscience humaine et il fait honneur au parcours exceptionnel de Marc Richelle dont les travaux n’ont pas fini d’alimenter notre réflexion.