N°2 / Langage et pensée complexe

Renforcer l'apprentissage du français langue étrangère grâce à la didactique intégrée des langues : une nouvelle recherche empirique en Suisse

Pauline Lapaque, Audrey Freytag-Lauer

Résumé

Résumé
L’apprentissage des langues est un phénomène intégratif, où chaque nouvelle langue en cours d’apprentissage s’insère dans un réseau cognitif préexistant. Développée depuis une vingtaine d’année à partir de ces considérations, la didactique du plurilinguisme a fait l’objet de nombreuses publications théoriques et propositions pour les cours de langue, mais n’est pas toujours mise en place en milieu guidé. Cela peut en partie s’expliquer par son manque d’assises empiriques. Dans cet article, nous présentons une étude transversale présentement menée au lycée en Suisse alémanique ayant pour but de documenter l’implémentation d’activités plurilingues en cours de français L3. Nous nous concentrons ici sur la méthodologie employée. A l’aide d’un design de méthodes mixtes, nous cherchons à mesurer les effets de la didactique du plurilinguisme sur la conscience qu’ont les apprenant·e·s de leur apprentissage du français, nécessaire pour un apprentissage efficace. Notre objectif de recherche est d’attester empiriquement des effets théoriquement positifs d’une didactique fondée sur une conception dynamique et décloisonnée de l’apprentissage des langues. 

 

Abstract :

Language learning is an integrative phenomenon, in which each new language fits into a pre-existing cognitive network. The didactics of plurilingualism has been developed over the last twenty years on the basis of these considerations and has been the subject of numerous theoretical publications along with proposals for language courses, but it has not always been implemented in schools. This can be partly explained by its lack of empirical basis. In the present article, we present a cross-sectional study currently being conducted in secondary schools in German-speaking Switzerland, which aims to document the implementation of plurilingual activities in L3 French classes. We focus here on the methodology employed. Using a mixed-methods design, we aim to measure the effects of the didactics of plurilingualism on learners' awareness of their learning of French, which is necessary for effective learning. Our research objective is to empirically attest to the theoretically positive effects of a didactic approach which is based on a dynamic and decompartmentalized conception of language learning.

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Titre : Renforcer l’apprentissage du français langue étrangère grâce à la didactique intégrée des langues : une nouvelle recherche empirique en Suisse alémanique.

 

Pauline Lapaque, Haute école pédagogique de la Suisse du Nord-Ouest           

Pauline.lapaque@fhnw.ch

 

Audrey Freytag-Lauer, Haute école pédagogique de la Suisse du Nord-Ouest

Audrey.freytaglauer@fhnw.ch         

1. Introduction : décloisonner l’enseignement des langues

Dans les discours actuels autour du plurilinguisme, de nombreux concepts en Europe circulent : intercompréhension, éveil aux langues, enseignement bilingue, immersion, didactique du plurilinguisme. Plus récemment, sous l’influence d’auteur·rice·s anglophones, le concept de translanguaging (García & Lin, 2016) vient enrichir les discussions tout en mettant en perspective la conception européenne du plurilinguisme (Babault & Bento, 2023; Dall’Aglio et al., 2023). Sans entrer dans les débats liés aux différentes dénominations, la didactique du plurilinguisme et les approches plurielles peuvent être considérées comme deux hyperonymes actuels décrivant « un apprentissage dans, par et pour la pluralité des langues toutes tendances confondues » (Freytag-Lauer, 2022  : 14). Ces deux termes renvoient à un décloisonnement de l’enseignement des langues et à une conception holistique de leur apprentissage. Ils se retrouvent au cœur de la recherche en didactique des langues et des cultures tout comme dans l’enseignement des langues étrangères depuis plus d’une vingtaine d’années. La didactique du plurilinguisme se fonde sur un travail en commun sur plus d’une langue (Gajo, 2008) et repose sur le principe que nous n’apprenons pas les langues isolément. Nous développons en effet notre propre répertoire langagier plurilingue au sein duquel les langues apprises ou en cours d’apprentissage interagissent (cf. Conseil de l’Europe, 2001; Neuner, 2003; Coste et al., 2009) et nous disposons d’une seule et même compétence plurilingue, « plurielle, composite et hétérogène » (Coste et al., 2009 : V). Ces fondements théoriques sont également suivis par les quatre approches plurielles (intercompréhension entre langues parentes, approche interculturelle, didactique intégrée des langues étrangères et éveil aux langues) développées au début des années 2000 et concrétisées dans des descripteurs soutenant la pluralité des langues et des cultures (cf. Candelier et al., 2012). Dans le présent article, nous traiterons principalement de la didactique intégrée des langues (DIL) en nous attachant à la situation helvétique.

La DIL vise à « apprendre une langue avec d’autres langues » (Candelier & Manno, à paraître). L’enjeu est de mutualiser l’apprentissage des langues en faisant des liens entre elles, en renforçant leurs synergies et en utilisant les compétences transversales des apprenant·e·s (cf. Manno et al., 2020a : 9; Candelier & Manno, à paraître). Cela passe notamment par le recours aux stratégies d’apprentissage et de traitement des langues, qui sont les moyens utilisés par l’apprenant·e pour mobiliser ses ressources et mettre en œuvre ses compétences dans un but spécifique d’apprentissage (i.e. savoir organiser son temps pour apprendre) et de communication (i.e. faire une périphrase quand un mot nous manque) (cf. Conseil de l’Europe, 2001 : 48). Les stratégies acquises pendant l’apprentissage d’une langue peuvent alors être réutilisées pour en apprendre une autre.

En Suisse alémanique, la didactique intégrée des langues étrangères, tout comme les autres approches, connaît un certain développement, surtout au niveau de l’école obligatoire (primaire et secondaire 1). Avec quatre langues officielles, des situations diglossiques dans plusieurs régions et l’introduction de l’enseignement de deux langues étrangères (une langue nationale et l’anglais) dès l’école primaire, la DIL se présenterait comme une approche idéale pour accompagner l’apprentissage des langues. Pour autant, le contexte sociolinguistique et scolaire est très complexe et varie d’une région linguistique à une autre, d’un canton à un autre ou encore d’un niveau à un autre (cf. Elmiger, 2021; Robin, 2021). Ainsi, au lycée (secondaire II), la DIL n’est encore que très peu présente. En outre, la situation du français comme langue étrangère (FLE) en Suisse alémanique est défavorable (cf. Manno & Greminger Schibli, 2015 : 49; Freytag-Lauer, 2022 : 32). Comme le souligne à titre d’exemple le travail de Robin (2015) pour le canton de Berne, à majorité germanophone : « ils [les apprenant·e·s] n’aiment pas le français ». Ce titre reflète les tensions autour de l’enseignement et l’apprentissage du FLE. Finalement, un usage d’une didactique plus adaptée, et entre autres la DIL, permettrait de renforcer l’apprentissage du FLE à travers des synergies avec d’autres langues (cf. Manno et al., 2020).

Dès lors, quels sont les bénéfices espérés lors de l’implémentation de la DIL dans l’enseignement de FLE et comment mesurer ces effets sur la conscience qu’ont les lycéen·ne·s de leur apprentissage de la langue ? Ce questionnement est au cœur d’un nouveau projet de recherche financé par le Fonds National Suisse sous la direction de Giuseppe Manno et de Sybille Heinzmann, professeurs à la Haute école pédagogique de la Suisse du Nord-Ouest[1] (Manno et al., 2023). Dans le cadre d’une thèse de doctorat encadrée par l’université de Bâle et dirigée par G. Manno, la première autrice de cet article développera le volet concernant la conscience métacognitive des apprenants, auquel nos propos se limiteront.[2]

Nous introduirons d’abord les fondements théoriques de la didactique intégrée des langues et nous montrerons un aperçu de l’état de la recherche via trois études empiriques soulignant les particularités du plurilinguisme et les défis liés à la DIL en milieu guidé. L’analyse de ces études choisies nous permettra d’identifier des desiderata pour les recherches futures. En réponse, nous présenterons la méthodologie de notre thèse visant à mesurer les effets de la DIL sur la conscience métacognitive des apprenant·e·s.

 

2. La didactique intégrée des langues

La DIL a hérité des travaux psycholinguistiques de Vygotski mettant en avant les correspondances au niveau des processus de développement du langage et leurs influences réciproques. A ses prémices se trouvent également les travaux du Conseil de l’Europe en 1970 et ceux de Roulet en 1980 soulignant la nécessité de coordonner l’enseignement de la langue de scolarisation avec la première langue étrangère (cf. Freytag-Lauer, 2022 : 19). En outre, autour des années 2000 s’est opéré un changement de paradigme dans l’enseignement/apprentissage des langues : on considère désormais que les langues ne sont pas séparées les unes des autres, mais se trouvent au sein d’un même réseau de connaissances (cf. Neuner, 2003; Candelier, 2008). Dans cette perspective, Hufeisen propose un modèle factoriel développé et revu à travers plusieurs travaux (1998, 2003, 2005, 2010, 2018, 2020). Elle y postule qu’il existe une différence qualitative entre l’apprentissage d’une deuxième langue (L2)[3] et celui d’une troisième langue (L3). En effet, l’apprenant·e d’une L3 profite des connaissances acquises au cours de l’apprentissage de sa/ses langue/s première/s (L1) et de la L2, alors que l’apprenant.e d’une L2 doit se contenter des acquis de la L1. Ces connaissances sont autant des savoirs linguistiques (savoir déclaratif) que des savoirs stratégiques (savoir procédural) (cf. Neuner, 2003 : 17). L’apprenant.e d’une L3 pourrait être plus efficace et apprendre alors plus vite. Le réseau commun dans lequel s’inscrivent les langues indique par ailleurs que l’apprenant·e ne dispose non pas d’une compétence distincte pour chaque langue, mais bien d’une compétence générale pour toutes les langues, dont la DIL tient compte. En ce sens, la DIL soutient le développement de la « compétence plurilingue et pluriculturelle », définie par Coste et al. comme « la compétence à communiquer langagièrement et à interagir culturellement possédée par un locuteur qui maîtrise, à des degrés divers, plusieurs langues et a, à des degrés divers, l’expérience de plusieurs cultures, tout en étant à même de gérer l’ensemble de ce capital langagier et culturel » (2009 : V). La DIL se fonde sur l’observation selon laquelle l’élève qui apprend plusieurs langues ne repart pas de zéro à chaque nouvelle langue : au contraire, il·elle peut réinvestir ses compétences linguistiques et stratégiques. Par ailleurs, il·elle ne doit pas atteindre le niveau de locuteur·rice·s natif·ves dans chaque langue de son répertoire et peut disposer de compétences et de niveaux différents (cf. Neuner, 2003 : 6). Ces réflexions s’inscrivent dans une conception fonctionnelle du plurilinguisme (Conseil de l’Europe, 2001) : tout·e élève pouvant se servir de plusieurs langues à des fins communicatives et/ou d’apprentissage est un·e élève plurilingue (cf. Haukås et al., 2021 : 84). Nul besoin de maîtriser parfaitement toutes les langues que l’on connaît pour pouvoir en profiter pour apprendre d’autres langues. La DIL promeut un plurilinguisme fonctionnel, plus pragmatique et plus opérationnel, qui fait déjà l’objet de programmes scolaires, comme dans le plan d’étude 21 en Suisse alémanique, où la perfection des locuteur·rice·s bilingues ne sert plus de référence (cf. Direction de la formation et des affaires culturelles, 2023). Un·e élève germanophone apprenant l’anglais et le français ne doit en effet pas être totalement bilingue en anglais pour pouvoir transposer ses connaissances de l’anglais vers le français. Par exemple, un niveau de base en anglais suffit pour savoir que les phrases anglaises suivent en général un ordre sujet-verbe-objet, tout comme la syntaxe française et contrairement à la syntaxe allemande. Grâce à l’anglais, l’élève germanophone peut ainsi plus facilement comprendre le système de la langue française. C’est ce potentiel plurilingue des élèves que la DIL se donne de prendre en compte et de développer (cf. Manno & Greminger Schibli, 2015).

Parmi les différentes approches plurielles possibles (Candelier et al., 2012), la DIL s’intéresse en priorité aux transferts possibles entre les langues apprises et en cours d’apprentissage[4]. Une approche plurielle se définit comme « (…) toute approche mettant en œuvre des activités impliquant à la fois plusieurs variétés linguistiques et culturelles. En tant que telle, une approche plurielle se distingue d’une approche singulière, dans laquelle le seul objet d’attention est une langue ou une culture particulière, prise isolément » (Candelier 2008 : 38). Wokusch et Lys proposent six principes majeurs concernant la démarche DIL : un curriculum coordonné, l’encouragement à la conscience linguistique et à l’ouverture aux langues et aux cultures, le transfert des compétences linguistiques et cognitives, des démarches identiques et harmonisées dans l’enseignement des langues, le développement de stratégies de communication et d’apprentissage chez les apprenants et l’utilisation de démarches didactiques modernes (2007 : 173)[5].     
À la suite de ces définitions et depuis les années 2010, les caractéristiques de la DIL se précisent pour la distinguer davantage des autres approches plurielles. Au niveau curriculaire, c’est-à-dire au niveau de l’organisation des programmes scolaires, la DIL vise une cohérence verticale et une cohérence horizontale de l’enseignement des langues
(Hutterli, 2012; Sauer & Saudan, 2008). Il s’agit d’aller chercher les ressources des apprenant·e·s et de les développer (cohérence verticale) : il faut assurer une continuité d’apprentissage d’année en année, en se reposant sur ce qui a déjà été appris pour développer de nouvelles compétences. Si les élèves connaissent déjà les principes des temps composés en français grâce au passé composé, appris au niveau débutant, l’enseignant·e peut en profiter plus tard lors d’une leçon sur un autre temps composé (plus-que-parfait, conditionnel passé, futur antérieur, etc.). D’autre part, il est nécessaire de mettre en relation les ressources des élèves par un apprentissage intégratif et décloisonné (cohérence horizontale). Ainsi, l’élève peut profiter des mots et des structures communes aux langues qu’il·elle est en train d’apprendre simultanément.

Au niveau des démarches didactiques, Candelier & Manno (à paraître) exposent les deux axes majeurs de la DIL : établir des ponts entre les langues pour apprendre une langue supplémentaire et utiliser des stratégies d’apprentissage et de traitement développés dans d’autres langues. Autrement dit, via la DIL, les apprenant·e·s sont amené·e·s à faire des liens entre la langue en cours d’apprentissage et le reste du répertoire linguistique (langue(s) maternelle(s), langue(s) étrangère(s) déjà apprise(s)), mais aussi à transférer des stratégies d’apprentissage et de traitement développées auparavant à l’apprentissage présent. Somme toute, la DIL se veut triplement économique : au niveau curriculaire (coordination de l’enseignement des langues à l’école), didactique (mise en commun des efforts didactiques des enseignants de langues) et cognitif (rentabilisation des connaissances et des compétences des élèves via leur transfert) (cf. Freytag-Lauer, 2022 : 20).

Néanmoins, l’école a des difficultés à « sortir d’une vision des langues comme des mondes juxtaposés et cloisonnés, vision que la logique scolaire solidifie en profondeur » (Elmiger & Matthey, 2017 : 139). En effet, les langues sont très souvent organisées en matières distinctes (cf. Bozhinova, 2014; Coste et al., 2009). Faute d’une formation spécifique, les enseignant·e·s ne sont pas sensibilisé·e·s à faire des liens avec les autres langues du curriculum, sans parler des langues qui n’y sont pas. Ils·elles ne comprennent pas toujours les objectifs d’une approche décloisonnée des langues lorsqu’ils·elles tentent de l’implémenter (cf. Manno, 2022) ou la réduisent à des approches strictement comparatives, où il s’agirait seulement de mettre en parallèle les langues (cf. Schedel & Bonvin, 2017). Les langues sont généralement enseignées « comme des disciplines isolées sans autoriser des passages entre les langues dans l’espace de la classe » (Bozhinova, 2014 : 8). De ce fait, les apprenant·e·s sont peu conscient·e·s des synergies possibles au sein leur répertoire langagier. Ils·elles apprennent une nouvelle langue en ne sachant pas toujours comment exploiter leurs savoirs et leurs expériences langagières préalables (cf. Ender, 2007 : 211; Manno & Greminger Schibli, 2015 : 51; Manno & Egli Cuenat, 2020 : 148).            
Selon les principes de la DIL, les enseignant·e·s doivent alors considérer la réalité plurilingue des élèves et mettre en valeur les compétences acquises par et dans toutes les langues, y compris celles qui ne sont pas enseignées à l’école. La DIL trouve sa place dans chaque discipline linguistique et ne cherche pas à remplacer leur enseignement classique, mais propose un outillage didactique ciblé afin de renforcer les apprentissages. Elle repose sur un volet intégratif cherchant à coordonner les disciplines linguistiques et leurs démarches et sur un volet intégré autour de trois procédés majeurs : comparer, contraster et transférer (cf. Freytag-Lauer, 2022 : 24).
Finalement, dans un contexte européen traversé par les conséquences de l’internationalisation des modes de vie, des mouvement migratoires et de l’agrandissement continu de l’Union Européenne, la DIL est aussi un moyen de prendre en compte et de s’adapter à l’hétérogénéité linguistique des classes (cf. Wokusch, 2008 : 12).

Malgré ce potentiel, peu d'études empiriques ont pu démontrer des effets positifs de la DIL sur l’apprentissage des langues étrangères. Sans prétendre à l’exhaustivité, nous en avons sélectionné trois travaux pour présenter un tableau plus détaillé des recherches récentes sur la DIL : Manno (2013), Lujić (2016), et enfin, Haukås (2015). (cf. annexe 1). Ces études sont en lien direct avec le sujet de notre thèse puisqu’elles ont analysé des données concernant des apprenant·e·s plurilingues[6]. Les élèves sont des adolescent·e·s en contexte scolaire dans des pays européens, comme ceux·celles de notre échantillon. Tout comme nous, les auteur·rice·s s’intéressent au répertoire langagier et aux capacités de transferts des savoirs déclaratifs et/ou procéduraux des élèves, ainsi qu’à la présence ou non de la DIL en classe de langue. Nous présenterons d’abord ces travaux en détail, puis nous proposerons une synthèse de leur méthode et de leurs résultats pour enfin conclure sur les desiderata.

L’étude de Manno (2013) est, à notre connaissance, la seule étude transversale examinant les effets d’activités interlinguistiques sur les compétences des élèves. Pendant 6 mois, 24 lycéen·ne·s scolarisé·e·s en Suisse alémanique et ayant pour L1 l’allemand (langue de scolarisation), L2 le latin ou le grec ancien, L3 le français et L4 l’anglais ont bénéficié de leçons impliquant un travail conjoint sur les langues de leur répertoire. Leurs compétences linguistiques et stratégiques ont été testées en amont et en aval de l’intervention didactique. Les résultats du deuxième et dernier test ont montré que les élèves avaient progressé dans la plupart des domaines (sémiotique, symbole, métaphore, identification des catégories linguistiques, doublet, mot étranger et emprunté, néologisme). Les résultats du premier test étant déjà très élevés, certains domaines n’ont pas connu de progrès significatifs (reconnaissance de mots, valeur des temps du passé, compétences en grec ancien). Par ailleurs, les élèves ont dû répondre à un questionnaire en début de projet, ainsi que donner oralement leurs retours en fin d’intervention. L’analyse de leurs réponses a montré que les élèves se disaient prêt·e·s à transférer des stratégies d’apprentissage d’une langue à une autre, et ce d’autant plus à la fin de l’intervention. En revanche, ils·elles se sont déclaré·e·s moins enclin·e·s à transférer des savoirs linguistiques, ce que l’auteur explique par un manque d’explications sur les similarités interlinguales lors de l’intervention (ibid. : 23). Certes, le bilan de cette étude ne peut être généralisé, l’échantillon étant trop petit pour être représentatif ; un groupe de contrôle aurait également été souhaitable pour vérifier que les résultats obtenus ne sont pas dus à une progression générale des élèves au cours de l’année. Cependant, il est incontestable que cette étude indique le potentiel innovant et les effets bénéfiques d’activités interlinguistiques, et donc aussi de la DIL, sur l’apprentissage des langues.          
C’est ce même potentiel qu’a étudié Lujić (2016) dans le cadre d’une recherche transversale qualitative à l’école en Croatie. Les élèves avaient pour L1 le croate, pour L2 l’anglais et pour L3 le français et ne connaissaient pas les principes de la DIL. Ils·elles ont dû produire un texte en français au sujet de leurs vacances d’été. Le groupe contrôle ne disposait que d’instructions ; le groupe expérimental avait en plus deux textes d’étayage, destinés à aider les élèves lors de la réalisation de la tâche. Les deux textes, un en croate et un en anglais, étaient liés au sujet de la composition. Après la production écrite, tout·e·s les participant·e·s ont rempli un questionnaire relatif à cette tâche. Les résultats montrent que la plupart des apprenant·e·s du groupe expérimental se sont aidé·e·s des textes en croate et en anglais lors de la composition en français. Ils·elles ont aussi témoigné d’une conscience métalinguistique et d’une conscience crosslinguistique, par laquelle l’apprenant·e plurilingue peut exploiter son répertoire langagier en faisant des liens entre les langues qu’il·elle connaît. Ils·elles ont estimé que les textes étaient une forme d’incitation à la réflexion sur le sujet et s’en sont servi·e·s le plus souvent uniquement avant de commencer la production écrite (cf. ibid. : 478). Cependant, les résultats de la tâche du groupe expérimental n’ont pas été significativement meilleurs que ceux du groupe contrôle : en l’absence d’une didactique explicitant les synergies entre les langues, les élèves du groupe expérimental n’ont pas exploité les textes d’étayage pendant et après la production écrite ; en général, ils·elles ne les ont pas jugés très importants. Lujić conclut que les élèves sont prêt·e·s à se servir de toutes les langues de leur répertoire, mais qu’il est indispensable de leur faire prendre conscience de leur capital linguistique et leur montrer comment y recourir lors de leur apprentissage d’une nouvelle langue (cf. ibid.). L’étude de Lujić révèle que, sans approche décloisonnant les langues et leur apprentissage, les élèves ne profitent pas assez des langues de leur répertoire pour apprendre et communiquer dans une autre langue.  
La mise en commun des savoirs semble
d’autant plus judicieuse que l’enseignement traditionnel des langues comme entités isolées peut s’avérer contreproductif quant aux compétences procédurales des apprenant·e·s, c’est-à-dire leur capacité à savoir apprendre une langue et à conscientiser cet apprentissage. Dans une étude quantitative, Haukås (2015) a examiné l’utilisation de stratégies par des lycéen·ne·s norvégien·ne·s âgé·e·s de 16,5 ans en moyenne. Il leur a été demandé de remplir le questionnaire Strategy Inventory for Language Learning (Oxford, 1990) répertoriant diverses stratégies d’apprentissage et de traitement d’une langue étrangère. Les élèves étaient réparti·e·s en deux groupes : un groupe avait pour L1 le norvégien, L2 l’anglais, L3 allemand (N=104) ; l’autre groupe avait les mêmes L1 et L2, mais pas de L3 (N=134). L’analyse statistique des résultats du questionnaire a montré que des lycéen·ne·s norvégien·ne·s apprenant l’allemand L3 utilisaient moins de stratégies d’apprentissage que celles et ceux apprenant l’anglais L2. On pourrait penser que les germanistes L3 présenteraient un avantage sur les anglicistes L2 : ayant déjà appris une langue étrangère, ils·elles disposeraient de plus de savoirs et de savoir-faire stratégiques. Or, à défaut d’une didactique permettant de faire des liens entre les langues et leur apprentissage, les germanistes L3 n’étaient pas en mesure d’exploiter les atouts de leur plus grande expérience (cf. ibid. : 400). D’après l’interprétation d’Haukås, ces résultats montrent que les germanistes L3 n’étaient pas assez conscient·e·s de leur processus d’apprentissage pour tirer profit de leur expérience en norvégien et en anglais pour apprendre l’allemand (cf. ibid. : 399). Cette étude confirme que la mise en relation féconde des expériences langagières au sein du répertoire plurilingue des apprenant·e·s n’est pas automatique. Ils·elles ont besoin d’activités didactiques leur faisant prendre conscience des processus communs à l’apprentissage de toute langue. Ainsi, ils·elles deviennent attentif·ve·s à réutiliser des stratégies d’apprentissage et de traitement apprises dans le cadre d’une autre langue.

Synthétisons à présent les trois travaux présentés ci-dessus. L’étude de Manno (2013) montre que des activités interlinguistiques au lycée peuvent avoir un effet bénéfique sur les compétences des élèves et que ceux·celles-ci se disent disposé·e·s à transférer leurs savoirs stratégiques d’une langue à l’autre. Les recherches de Lujić (2016) et de Haukås (2015) ont par ailleurs dévoilé que les élèves ne se servent pas systématiquement de leurs connaissances préalables pour l’apprentissage d’une nouvelle langue, attestant du fait que les approches plurielles, dont la DIL, semblent être absentes des cours de langue. Concernant les méthodologies employées, on remarque qu’elles sont mixtes (Manno, 2013), qualitative (Lujić, 2016) ou quantitative (Haukås, 2015). Afin d’approfondir ces recherches, on peut souhaiter davantage de méthodologie mixte qui permettrait une analyse plus détaillée de la façon dont les élèves apprennent plusieurs langues. Pour pouvoir obtenir des résultats représentatifs dans le cadre d’un design mixte, il faudrait également des échantillons de population plus larges que ceux utilisés dans les études de Manno et Lujić. Par ailleurs, des études longitudinales telles que celle menée par Manno permettraient d’apprécier les effets d’une intervention didactique, mais il est nécessaire d’introduire systématiquement un groupe témoin afin de s’assurer que les effets bénéfiques sont bien dus à la DIL. Dans les recherches futures sur les élèves plurilingues en contexte scolaire, il sera donc primordial de mener des études expérimentales longitudinales avec groupe contrôle afin d’explorer la portée de didactiques comme la DIL. En effet, il peut être reproché à la DIL de manquer d’assises théoriques solides, d’épouser une vision de l’enseignement/apprentissage des langues trop optimiste (cf. Berthele, 2019) ou encore de manquer de recul et d’études solides (cf. De Pietro, 2020 : 47) ; sans compter les résistances des enseignant·e·s sur le terrain (Manno, 2022). Des études expérimentales à grande échelle permettraient de confirmer ou d’infirmer empiriquement l’utilité de l’apprentissage intégré des langues. C’est pourquoi nous présentons ci-dessous une nouvelle recherche répondant à ces enjeux didactiques et méthodologiques.

 

3. Mesurer les effets de la DIL sur la conscience de l’apprentissage

Notre étude transversale intitulée « Renforcement de la conscience de l’apprentissage des lycéen·ne·s dans le cadre de la didactique du plurilinguisme »[7] a pour but de confirmer empirement les potentialités de la DIL quant à un aspect encore peu étudié : la conscience que les apprenant·e·s ont de la façon dont ils·elles procèdent pour apprendre une langue. Issue de la didactique anglophone, la notion de conscience de l’apprentissage des langues (language learning awarness) n’a pas de définition établie (cf. Manno & Le Pape Racine, 2020 : 156). Nous la délimitons ici aux savoirs procéduraux des apprenant·e·s, c’est-à-dire à la conscience de leur propre processus d’apprentissage d’une langue ainsi que de la manière dont ce processus peut être optimisé (cf. Neuner, 2003 : 25). Cette conscience métacognitive concourt à un apprentissage réussi puisqu’elle permet aux élèves de réfléchir à la façon dont ils·elles apprennent et de transférer leurs savoirs préalables d’une langue à l’autre (cf. Manno & Le Pape Racine, 2020 : 155‑156). Or, la DIL repose précisément sur la conscientisation des savoirs déclaratifs et procéduraux de l’apprenant·e plurilingue lorsqu’il·elle apprend et communique dans une langue. Nous supposons donc que des activités DIL auront un effet bénéfique sur la conscience de l’apprentissage des apprenant·e·s du français L3.

Les élèves de notre étude sont en première année de lycée en Suisse germanophone, plus particulièrement en Suisse centrale et orientale, où le français a changé de statut à l’école. Longtemps enseigné comme première langue étrangère, le français y est passé deuxième langue étrangère, après l’anglais. Si l’on peut regretter le choix de l’anglais L2 au détriment des langues nationales comme choix symbolique risquant de porter atteinte à la cohésion nationale d’une Suisse quadrilingue (cf. Manno, 2007), il ne faut pas oublier que l’enseignement/apprentissage du français L3 peut bénéficier de ce renversement curriculaire. Il s’agit de penser cette situation comme une ressource, et non comme une entrave (cf. Manno & Greminger Schibli, 2015 : 50) : pour apprendre le français L3, les élèves scolarisé·e·s en Suisse centrale et orientale peuvent s’appuyer sur leurs savoirs et leurs savoir-faire acquis via l’allemand L1 (langue de scolarisation), l’anglais L2 et éventuellement les autres langues de leur répertoire (une autre L1, une troisième langue étrangère, etc.). Cela implique de repenser l’enseignement du français, qui est désormais une langue tertiaire, c’est-à-dire une langue étrangère apprise après une première langue étrangère (cf. Hufeisen & Neuner, 2003 : 5). Dans le cadre d’une telle configuration curriculaire, la DIL est souhaitable (cf. Elmiger & Matthey, 2017 : 141), puisqu’elle vise à réactiver dans le processus d’apprentissage les savoirs, les compétences et les stratégies déjà disponibles. Or, comme évoqué plus haut, la DIL et le principe du plurilinguisme fonctionnel ne sont pas encore systématiquement implantés au secondaire II suisse, où règne encore une conception normative et idéaliste de l’apprentissage des langues étrangères avec le niveau des locuteur·rice·s natif·ves comme référence, et où l’enseignement du français est envisagé de manière isolée (cf. Manno & Greminger Schibli, 2015 : 50).

Les enseignant·e·s de français L3 jouent un rôle clé dans l’intégration de l’enseignement/apprentissage du français aux autres langues (scolaires et extra-scolaire). Or, comme évoqué plus haut, les approches plurielles sont arrivées relativement récemment dans l’histoire de la didactique des langues étrangères ; les enseignant·e·s n’ont pas ou peu été formé·e·s à être attentif·ve·s aux possibilités de transferts entre les apprentissages. C’est pourquoi, dans le cadre de notre étude s’inscrivant dans un projet plus général impliquant une intervention en deux parties, les enseignant·e·s de français suivront d’abord une formation à la DIL et développeront des activités spécifiques (partie 1), qui seront ensuite mises en œuvre en cours de français (partie 2). Pendant un semestre, ils·elles devront utiliser ce matériel DIL durant une leçon par semaine pendant 12 semaines. Le matériel didactique sera préparé de manière collaborative et proposera des activités DIL complémentaires à l’enseignement prévu en français. On pourra s’appuyer sur une sélection de fiches ou de recommandations déjà existantes (par ex. Behr, 2005; Montemarano & Grimm-Pfefferli, 2020) qu’il s’agira d’adapter à l’enseignement du FLE en Suisse alémanique au lycée. A travers des activités faisant intervenir les langues apprises à l’école et les autres langues présentes dans la classe, les élèves apprendront ainsi à réinvestir leurs savoir langagier et procédural, à faire des parallèles entre les langues et à penser leur processus d’apprentissage (cf. par ex. Montemarano & Grimm-Pfefferli, 2020; CARAP, 2023). Les élèves de français L3 pourront ainsi recourir au savoir procédural acquis grâce à tout leur répertoire linguistique. Il s’agira entre autres de les entrainer à exploiter les stratégies d’apprentissage et de traitement développées grâce à l’anglais et à l’allemand, ainsi qu’aux autres langues disponibles, le cas échéant (cf. Manno & Greminger Schibli, 2015 : 53).

Ainsi, notre travail de thèse devra répondre à la problématique de recherche suivante : « Quels sont les effets de l'intervention consistant en une formation continue collaborative des enseignants et en la mise en œuvre d'activités didactiques interlinguistiques en classe sur la conscience de l'apprentissage des lycéen·enne·s ? ». Nous avons formulé deux hypothèses : tous·tes les apprenant·e·s montrent une progession de leur conscience de l’apprentissage au fil de l’année scolaire (hypothèse 1) ; la progression est plus grande dans le groupe d’intervention car, grâce à l’implémentation d’activités DIL, ces apprenant·e·s auront appris à se servir de leur savoir linguistique et stratégique préalable, à comparer différentes langues et structures entre elles ainsi qu’à réfléchir à leur processus d’apprentissage (hypothèse 2).       
Pour répondre à cette problématique et pour vérifier nos hypothèses, une méthodologie mixte alliant instruments quantitatifs et qualitatifs est déployée.
Notre étude expérimentale est transversale car nous allons recueillir les données du groupe d’intervention (N≈400) et du groupe de contrôle (N≈200)[8] à trois temps de mesure différents. Les élèves du groupe d’intervention auront systématiquement bénéficié d’activités DIL pendant leurs leçons de français, celles et ceux du groupe contrôle auront suivi un cours de français ordinaire. Nous récolterons les données dans les deux groupes avant l’intervention DIL (pre-test), juste après celle-ci (post-test) et enfin, encore six mois après (delayed post-test), le post-test différé permettant de déterminer si les résultats de l’analyse du post-test sont durables. Un schéma en annexe 2 présente le plan prévu de la recherche.

Le développement de nos instruments de mesure répond à un défi méthodologique : la conscience de l’apprentissage n’est pas un phénomène directement observable (cf. Bowles, 2019; Karpińska-Szaj & Zając, 2012; Marx, 2005). Nous examinerons donc indirectement ces processus à l’aide des stratégies d’apprentissage et de traitement que les élèves déclarent appliquer en général et en pratique. L’analyse de ces stratégies montreront si les apprenant·e·s réfléchissent à la façon dont se déroule leur apprentissage du français, et si oui, comment ils·elles le contrôlent.            
Dans la partie quantitative, les élèves rempliront un questionnaire concernant leurs stratégies d’apprentissage du français développé à partir du questionnaire Strategy Inventory for Language Learning (SILL, Oxford, 1990). Le SILL est un instrument d’auto-évaluation destiné à mesurer la fréquence des stratégies d’apprentissage et de traitement utilisées dans le cadre d’une langue étrangère ou seconde. Chaque item du questionnaire décrit une stratégie particulière ; il est demandé aux participant·e·s d’indiquer dans quelle mesure chacun des items correspond à leur manière d’apprendre et de communiquer en langue étrangère en cochant un chiffre sur une échelle de Likert allant de 1 (« ce n’est jamais le cas ») à 5 (« c’est toujours le cas »). Le SILL est un instrument souvent employé dans le domaine de la recherche sur les stratégies d’apprentissage et de l’apprentissage/acquisition en langue étrangère. Il a aussi été critiqué : LoCastro (1994) a souligné l’inadéquation des items selon les contextes éducatifs et socio-culturels ; Dörnyei (2005) a avancé que l’instrument ne pouvait pas dégager de tendance stratégique générale et que les scores totaux de l’échelle de Likert n’étaient pas valables ; White et. al (2007) ont rappelé que les stratégies sont des processus mentaux parfois inconscients, et qu’il est donc difficile de les mesurer via un questionnaire (cités par Amerstorfer, 2018 : 502ss.). Une adaptation du questionnaire à chaque contexte d’étude et sa combinaison à un instrument qualitatif au sein d’un design de recherche mixte permettent cependant de pallier ces faiblesses (cf. ibid.). C’est pourquoi nous avons choisi cet instrument et décidé de l’ajuster à notre échantillon. A l’aide de la version anglophone s’adressant aux apprenant·e·s de l’anglais langue étrangère (cf. Oxford, 1990 : 293‑299) ainsi que de sa traduction germanophone (cf. Missler, 1999 : 347‑351), nous avons préparé notre propre questionnaire en langue allemande. Chaque item y décrit une action stratégique en termes clairs et adaptés à des élèves germanophones entre 14 et 15 ans apprenant l’anglais et le français. Comme dans l’instrument original, nos items sont répartis en six catégories : les stratégies de mémorisation (item 1 : « Je fais des liens entre ce que je sais déjà et ce que j’apprends en français »), les stratégies cognitives (item 10 : « j’utilise des stratégies que j’ai apprises dans d’autres matières pour apprendre le français »), les stratégies de traitement (item 20 : « Quand je lis ou écoute du français, je devine les mots que je ne connais pas grâce au contexte »), les stratégies métacognitives (item 22 : « j’essaie d’utiliser les similarités entre le français et les autres langues que je connais »), les stratégies affectives (item 26 : « je pense à mes progrès en français ») et enfin, les stratégies sociales (item 35 : « je pratique le français avec d’autres apprenant·e·s »). On peut se demander ici pour quelle raison nous avons gardé les six catégories de stratégies au lieu de nous concentrer sur les stratégies métacognitives. Après tout, nous voulons savoir si les élèves conscientisent leur apprentissage en langue étrangère : pourquoi leur demander s’ils pratiquent le français en groupe ? Nous argumentons que tout type de stratégie relève du plan procédural (comment apprendre/traiter une langue) ; leur utilisation est donc un indicateur de la conscience de l’apprentissage des élèves. Pour le reste, la formulation des items a été validée par plusieurs expert·e·s (validité de contenu) et un prépilotage mené début avril 2023 dans un lycée zurichois sur un échantillon de 11 élèves a attesté que le questionnaire adapté était compréhensible et que les items correspondaient effectivement à des stratégies que les élèves de notre étude pouvaient connaître. Les stratégies en moyenne les plus souvent utilisées par les élèves du prépilotage étaient les stratégies métacognitives, ce qui montre un haut niveau de réflexivité quant à leur apprentissage. Le pilotage sera l’occasion de tester les autres critères de qualité (validité de construit et fiabilité) afin d’établir la rigueur psychométrique de notre instrument.       
Le questionnaire quantitatif nous permettra d’obtenir des données générales quant à la conscience de l’apprentissage des élèves. Néanmoins, il est nécessaire de le combiner avec d’autres instruments, sans quoi des données importantes et/ou intéressantes sont passibles d’être ignorées. C’est pourquoi il sera complété par une rétrospection écrite qui aura lieu à la suite d’une tâche de compréhension orale et de production écrite afin de savoir plus particulièrement quelles stratégies ont été utilisées en pratique. La rétrospection est un instrument utilisé en recherche qualitative afin de savoir comment les participant·e·s ont procédé pour résoudre une tâche (cf. Bowles, 2019 : 31; Marx, 2005 : 175). Compte tenu de l’ampleur de notre échantillon (N≈600), nous avons opté pour une courte rétrospection écrite, matériellement plus économique et praticable qu’une rétrospection orale. La rétrospection écrite a été déjà été utilisée par Marx (2005) dans le cadre d’une étude sur la compétence de réception orale chez les apprenant·e·s plurilingues : après une tâche de compréhension orale, la chercheuse leur a demandé d’expliquer ce qu’ils·elles avaient compris et pourquoi. Nous nous inspirons de cette démarche dans notre étude. Nos deux tâches ont été spécifiquement développées pour que les élèves puissent réinvestir l’ensemble de leur répertoire plurilingue et de leurs stratégies. Lors de la tâche de compréhension orale, l’ensemble des élèves répondra à des questions après l’écoute de documents audios francophones avec des congénères, c’est-à-dire de mots d’une langue apparentés à d’autres langues (cf. Manno & Egli Cuenat, 2020 : 125). Dans cette tâche, des mots français sont apparentés à l’allemand, l’anglais ainsi qu’à du vocabulaire commun aux langues romanes. Les élèves devront ensuite décrire rapidement et à l’aide de mots-clés comment ils·elles ont procédé lorsqu’ils·elles n’ont pas compris quelque chose. Nous supposons que les élèves du groupe d’intervention seront ici plus en mesure de s’aider d’autres langues et de stratégies pour comprendre un mot inconnu en français, et qu’ils·elles sont capables de le signifier. Concernant la tâche de production écrite, tous·tes les élèves écriront un texte en français. Dans la consigne, il sera spécifiquement indiqué qu’ils·elles essaient de déduire des mots ou des structures de phrase à l’aide d’autres langues lorsqu’ils·elles ne les trouvent pas en français. Dans la rétrospection écrite, nous leur demanderons alors aussi de décrire comment ils·elles ont fait lorsqu’ils·elles ne savaient pas exprimer quelque chose en français. De même, nous présumons que les élèves du groupe d’intervention auront tendance à plus utiliser toutes les langues et les stratégies de leur répertoire. Ainsi, nous pourrons examiner si les élèves ont agi de façon stratégique, et le cas échéant, si les stratégies déclarées impliquent de s’aider d’autres langues. Les résultats d’un prépilotage fin avril 2023 dans un lycée argovien nous ont révélé que les élèves étaient en mesure de décrire comment ils·elles avaient stratégiquement procédé lorsqu’ils·elles ne connaissaient pas un mot en français. Trois types de stratégies ont été mentionnés par les élèves : stratégie de compensation intralinguale (produire un mot inconnu en langue cible à partir de la langue cible elle-même), stratégie de compensation interlinguale (produire un mot inconnu en langue cible à partie d’autres langues) et enfin, stratégie d’alternance codique (remplacer le mot inconnu par un mot d’une autre langue).       
Enfin, lors de l’intervention didactique, deux instruments permettront de vérifier la mise en place des activités DIL : des observations en classe seront menées et les élèves donneront leurs retours via un petit questionnaire afin de vérifier aussi s’ils·elles remarquent l’implémentation des activités. Ces données serviront de variables de contrôle quant aux effets de l’expérimentation. Si les résultats de l’intervention ne sont pas significatifs, ou le sont mais avec des effets très modestes sur la conscience métacognitive des élèves, nous pourrons alors vérifier si cela peut s’expliquer par un manque lors de l’implémentation des activités DIL (données des observations en classes) et/ou dans la perception d’une didactique spécifique par les élèves (données des retours des élèves).  

Nous pourrons estimer la conscience de l’apprentissage des élèves par ces instruments grâce auxquels nous récolterons des données générales concernant les stratégies que déclarent appliquer les élèves (questionnaire quantitatif), ainsi que des données contextualisées relatives aux stratégies qu’ils·elles disent avoir effectivement appliquées (rétrospection qualitative) et à la mise en pratique d’activités DIL en classe (observations et retours des élèves). Les données du questionnaire seront l’objet d’une étude statistique via le logiciel SPSS (Johnson & Christensen, 2014), les rétrospections écrites seront exploitées via l’analyse de contenu selon Mayring (2010). Grâce à une analyse croisée des données, nous mesurerons les conséquences de l’implémentation de la DIL dans l’enseignement de FLE sur l’utilisation des stratégies, marqueur de la conscience métacognitive des élèves. Lors du post-test, nous espérons observer une plus grande fréquence déclarée d’utilisation de stratégies ainsi qu’un nombre plus élevé de stratégies décrites que dans le groupe d’intervention, ce qui indiquerait une réflexion de l’apprentissage du français plus prononcée grâce à la DIL.

4. Conclusion : promouvoir la didactique intégrée des langues

L’appel au décloisonnement des apprentissages n’est pas nouveau en classe de langue ; depuis les années 2000, les prérogatives didactiques accentuent les compétences langagières et stratégiques communes des apprenant·e·s (cf. Conseil de l’Europe, 2001). La DIL a été développée au sein d’approches plurielles prenant en compte et exploitant le plurilinguisme fonctionnel des élèves en classe de langue. La singularité de la DIL repose sur l’apprentissage méthodique et systématique des transferts des savoirs et des compétences d’une langue à une autre dans un but d’économie et d’efficacité cognitives, didactiques et curriculaires.  
Néanmoins, la DIL est souvent absente des cours de langue. En Suisse, les enseignant·e·s de langue au lycée n’y recourent pas systématiquement, malgré la coordination de l’enseignement des langues à l’échelle nationale
(CDIP, 2004) et les recommandations officielles pour le secondaire II en faveur de la DIL (cf. CDIP, 2013). Cela peut-être un indice sur la confusion de la DIL avec les autres approches plurilingues évoquées en deuxième partie, ou encore sur les difficultés lors de la mise en place de cette didactique en classe de langue. Les cours de langues peuvent être organisés pour être progressivement combinés au niveau curriculaire (volet intégratif), mais il n’est pas toujours possible d’activer et de développer les connaissances préalables des élèves (volet intégré).
D’autre part, cette réserve quant à la mise en pratique de la DIL, pourtant théorisée depuis une vingtaine d’années, peut également venir du manque de données empiriques relatives à ses effets bénéfiques pour l’apprentissage des langues. Si trois études sur le plurilinguisme en milieu guidé analysées en deuxième partie ont montré que les apprenant·e·s diposaient effectivement d’un seul et même répertoire plurilingue et stratégique qu’ils·elles pouvaient et devaient apprendre à exploiter, elles ne permettent pas d’affirmer empiriquement la systématicité des bénéfices de la DIL. A cet égard, il manque de recherches expérimentales longitudinales représentatives pour étudier l’influence de la DIL sur le développement de compétences langagières et stratégiques des élèves.

La nouvelle étude présentée en troisième partie permettra de documenter à court et à moyen termes la mise en place effective d’une didactique prenant en compte toutes les variétés linguistiques et toutes les expériences d’apprentissage des élèves sur leur apprentissage du FLE au lycée en Suisse alémanique. Nous pourrons ainsi évaluer les potentialités de la DIL sur la conscience de l’apprentissage de lycéen·nes. Le projet général « Didactique du plurilinguisme dans l’enseignement du français. Une étude d’intervention pour mesurer l’efficacité d’activités interlinguistiques au lycée (degré secondaire II) en Suisse » dans lequel cette thèse s’inscrit permettra plus largement d’enquêter sur la réalisation d’activités DIL en classe de langue et pourra apporter des indications concrètes et précises sur son implémentation. Sans résultats empiriques et études confirmatoires, nous devons rester modestes et prudent·e·s quant aux récents dispositifs plurilingues, dont la DIL fait partie (De Pietro, 2020 : 47s.). Au demeurant, la DIL donne l’occasion de composer avec le plurilinguisme des élèves et la diversité linguistique à l’école, afin de dépasser une vision élitiste et normative des langues, vers une meilleure inclusion de tout·e·s.

 

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Annexes

Annexe 1       

Tableau 1 : comparatif des études choisies pour discuter des potentiels de la DIL

Auteur·rice

Méthodologie

Participant·e·s

Langues

Synthèse

Manno

(2013)

Etude longitudinale ; analyse d’un test de compétences avant et après l’intervention didactique, analyse d’un questionnaire avant et de retours oraux après l’intervention (méthode mixte)

24 élèves âgé·e·s d’environ 16 ans, scolarisé·e·s en première année de lycée en Suisse alémanique

L1 allemand (langue de scolarisation)
L2 latin ou grec ancien
L3 français
L4 anglais

Après 6 mois de leçons interlinguistiques, progrès des élèves dans la plupart des domaines linguistiques et stratégiques testés (i.e. sémiotique, identification de catégories linguistiques)

Lujić (2016)

Etude transversale ;

Analyse de production écrite et de questionnaire (qualitatif)

35 élèves (groupe de contrôle) et

36 élèves (groupe expérimental) âgé·e·s de 13 à 14 ans scolarisé·e·s en Croatie

L1 croate
L2 anglais
L3 français

Disposition des élèves à mobiliser leur répertoire plurilingue lors de production en français ; nécessité de les former à l’utiliser

Haukås (2015)

Etude transversale ;

Analyse de questionnaire (quantitatif)

238 lycéen·ne·s scolarisé·e·s âgé·e·s d’environ 16,5 ans en Norvège

Groupe 1 (134 élèves) :
L1 norvégien

L2 anglais

Groupe 2 (104 élèves) :
L1 norvégien

L2 anglais
L3 allemand

Utilisation moindre de stratégies d’apprentissage et de traitement par les lycéen·ne·s apprenant deux langues étrangères que celles et ceux n’en apprenant qu’une seule ; possibilités que les élèves ne soient pas assez conscient·e·s des bénéfices de leur plurilinguisme

Annexe 2

Schéma 1 : design de recherche avec les temps de mesure et les données récoltées


[1] Il est question du projet « Didactique du plurilinguisme dans l’enseignement du français. Une étude d’intervention pour mesurer l’efficacité d’activités interlinguistiques au lycée (degré secondaire II) en Suisse », se déroulant du 1/9/2022 au 31/08/2026 (numéro de projet 205020). Pour plus d’informations, cf. le site Web du projet (2023) : https://www.fhnw.ch/de/forschung-und-dienstleistungen/paedagogik/institut-sekundarstufe-i-und-ii/mehrsprachigkeitsdidaktik-im-franzoesischunterricht-der-schweizer-gymnasialstufe-sekundarstufe-ii-durch-professionalisierung-von-lehrpersonen-eine-laengsschnittliche-interventionsstudie-zur-wirksamkeit-von-sprachenuebergreifenden-unterrichtseinheiten (consulté le 09/05/2023).

 

[2] La seconde autrice appartient à l'équipe de recherche de ce projet (jusqu'au 31/08/2023) et a contribué au développement des instruments.

 

[3] Afin de garder les combinaisons de langues claires et compréhensibles, nous utilisons tout au long de cet article les désignations L1 pour la/les langue(s) maternelle(s) ou seconde(s), L2 pour la première langue étrangère, L3 pour la deuxième langue étrangère, L4 pour la troisième langue étrangère, etc. (cf. Hammarberg, 2018; Hufeisen, 2018).

[4] Cf. Candelier et al., 2012 ; CARAP, 2023 pour une présentation des autres approches plurielles (l’éveil aux langues, l’intercompréhension entre langues parentes, l’approche interculturelle) ; cf. Freytag-Lauer, 2022 : 13-30 pour une revue détaillée des différentes terminologies.

[5] Notons ici que les principes de la DIL se recoupent avec ceux des autres approches plurielles : par exemple, le principe concernant la conscience linguistique peut être rattaché à la fois à l’approche interculturelle et à l’éveil aux langues. Ils reprennent également d’autres démarches didactiques comme l’approche actionnelle (task-based learning). Une approche n’en exclut pas une autre ; il n’est pas contradictoire de mettre en continuité les différentes didactiques.

[6] Ici, et comme développé en première partie, « plurilingue » est utilisé dans un sens large et fonctionnel : un·e apprenant·e plurilingue est un·e apprenant·e qui apprend plusieurs langues et les maîtrise à des différents niveaux de compétence, ces niveaux pouvant être très sommaires (cf. Haukås et al., 2021 : 84).

[7] Le terme plus général de « didactique du plurilinguisme » est utilisé dans le titre de notre thèse, mais c’est bien la DIL, approche didactique spécifique au sein de la didactique du plurilinguisme, qui est au centre de notre étude.

[8] Le nombre de élèves est donné à titre indicatif, le recrutement des classes participant au projet étant en cours au moment de la rédaction de l’article (mai 2023).

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